Thomas Sampson, économiste à la London School of Economics, est coauteur d’une étude sur le coût du « Brexit » pour les ménages britanniques.

Quel sera l’impact global du « Brexit » pour l’économie britannique ?

Toutes les études montrent qu’il sera négatif, mais son amplitude dépend de la nature des liens qui uniront le Royaume-Uni à l’Union européenne [UE]. Dans le scénario optimiste, le pays négocie des accords comparables à ceux dont bénéficie la Norvège, et peut continuer à commercer à moindre coût avec l’Europe. Dans le scénario pessimiste, les deux parties ne s’entendent pas, et leurs échanges obéissent aux règles de l’Organisation mondiale du commerce [OMC]. Au Royaume-Uni, selon nos calculs, dans le premier cas le PIB par habitant chuterait de 1,3 % et dans le second cas de 2,6 %.

Qui supportera le coût de cette sortie de l’UE ?

Nous avons regardé l’impact à court terme sur les ménages en fonction de leurs revenus et de leur profil de consommation. Pour cela, nous avons modélisé les changements de prix, et évalué les conséquences sur le niveau de vie des différentes catégories de population. Nous avons estimé l’impact à plus long terme en tenant compte des effets négatifs sur la productivité. Selon les scénarios, le revenu réel des 10 % les plus pauvres serait amputé de 1,7 % à 3,6 % à court terme et de 5,7 % à 12,5 % sur le long terme. Pour les 10 % les plus riches, la perte serait de 1,8 % à 3,9 % à court terme et de 6 % à 13,4 % sur le long terme. Contrairement aux idées reçues, le coût du « Brexit » sera supporté par l’ensemble de la société, riches et pauvres.

Quels sont les produits dont le prix augmentera le plus ?

Le coût du transport progressera de 4 % à 7,5 %, celui de l’alcool de 4 % à 7 %, celui de l’alimentation de 3 % à 5 % et celui de l’habillement de 2 % à 4 %. Il s’agit de biens importés ou qui incorporent une part importante de biens importés. Dans le cas où le commerce serait régi par les règles de l’OMC, les prix seront d’abord affectés par la mise en place des barrières douanières : pour les pays extérieurs à l’UE, le droit moyen est d’environ 3 %, mais il est bien plus élevé pour les produits agricoles. Nous anticipons aussi un effet de change : avec l’annonce du « Brexit », la livre va probablement se déprécier, ce qui renchérira d’autant nos achats. L’ampleur de l’impact est cependant difficile à apprécier.

Cela pourrait-il avoir un impact positif sur l’industrie du pays ?

Avec la hausse du prix des biens importés, il sera peut-être plus intéressant d’en produire une partie sur place. Mais l’économie britannique s’en portera moins bien car il s’agit d’une mauvaise allocation des ressources. La main-d’œuvre est mieux employée dans les secteurs à haute valeur ajoutée où nous sommes compétitifs. Ces mécanismes ne sont cependant pas bien compris par le grand public. Les Britanniques entendent bien que le « Brexit » est mauvais pour l’économie mais ne voient pas en quoi cela les concerne à titre individuel.