Carte postale ancienne de l’Hôtel d’Angleterre.

A Vittel (Vosges), l’Hôtel d’Angleterre est en cessation de paiements. Redressement judiciaire, liquidation ? Le dossier sera examiné mardi 28 juin par le tribunal de commerce d’Epinal. Rien à voir avec le « Brexit ». Juste une histoire française un peu triste. L’échec d’un hôtel pas comme les autres, tenu par des vedettes de la télé, sur fond de crise économique et de dépérissement des villes moyennes.

Situé à deux pas du casino et des thermes, l’Hôtel d’Angleterre impose depuis des décennies sa silhouette un peu massive au cœur de Vittel. En mars 2012, l’établissement connaît une première impasse financière. Aucun repreneur ne se présente. La fermeture menace. Quelques hommes de télé qui fréquentent la station à l’occasion d’un festival de création de séries s’interrogent alors : pourquoi ne pas acheter l’hôtel ?

« On ne connaissait rien à l’hôtellerie », admet Patrick Jorge, un directeur de casting devenu la cheville ouvrière du chantier. Peu importe. Le projet, celui d’un « hôtel du cinéma », commence à se dessiner, et à séduire. Peu à peu, une soixantaine de comédiens et de professionnels de la télévision se prend au jeu. Marthe Villalonga, Daniel Prévost, Michel Crémadès, Michel La Rosa, Frédéric Bouraly, Isabel Otero et bien d’autres acceptent de verser chacun 5 000 à 10 000 euros pour acheter le fonds de commerce et relancer l’entreprise. Le cascadeur Rémy Julienne parraine cette aventure à hauts risques.

Un studio dans l’ancienne caserne des pompiers

Fin 2013, l’équipe des « Bons Vivants », un nom choisi en référence à un vieux court-métrage de Gilles Grangier et Georges Lautner, obtient les clés. L’hôtel et son restaurant rouvrent en mars 2014. L’idée n’est pas seulement de donner un coup de neuf au gros bâtiment rose, mais d’en faire un lieu d’animation autour du cinéma et de la télévision. Patrick Jorge et ses associés veulent faire de Vittel une terre de tournages, en implantant un studio dans l’ancienne caserne des pompiers. Les artistes actionnaires sont aussi priés de signer chacun la décoration d’une des 55 chambres, et de jouer parfois les réceptionnistes ou les femmes de chambre. Les clients peuvent ainsi rêver qu’ils seront servis par une vedette de « Navarro » ou de « Plus belle la vie ».

Les médias adorent ce scénario, et multiplient les reportages. Cela ne suffit pas. Dans une France désertée par ses touristes étrangers, le trois-étoiles de Vittel peine à remplir ses chambres un peu vieillottes. « Malgré nos efforts pour faire connaître l’hôtel, attirer une nouvelle clientèle, créer et gérer de nouvelles animations artistiques et malgré un chiffre d’affaires en constante progression, les recettes ne couvrent pas les coûts », constate Patrick Jorge dans un courrier envoyé tout récemment à ses partenaires et cité par Vosges Matin. « L’activité de l’hôtel n’est pas viable économiquement », ajoute-t-il, en évoquant la « léthargie économique de la ville et de toute la région ».

Pour les apprentis hôteliers, pas question de remettre de l’argent au pot. Ils espèrent passer la main à d’autres investisseurs. Avis aux candidats repreneurs.