Le sénateur républicain John McCain, lors du vote sur des mesures limitant l’accès aux armes automatiques aux Etats-Unis, le 20 juin. | ALEX WONG / AFP

Après la tuerie d’Orlando, en Floride, les députés américains ont d’ores et déjà voté contre quatre amendements renforçant les contrôles sur les ventes des armes à feu. Mais pour les élus républicains, le problème est ailleurs. Un groupe de sénateurs du parti conservateur a déposé un amendement au projet de loi sur le commerce pour renforcer les pouvoirs du FBI en matière de surveillance du Web.

Bien avant la tuerie d’Orlando qui a fait 49 morts dans une boîte de nuit gay, le Pulse, la police fédérale américaine réclamait une extension des pouvoirs qui leur sont conférés par les national security letters (« lettres de sécurité nationale », NSL). Ces documents, qui peuvent être émis sans mandat d’un juge, permettent au FBI de demander à une entreprise privée de lui fournir des informations en sa possession – et la personne dont les données sont ainsi collectées n’est pas prévenue. Pendant des années, le FBI s’est servi de cet outil pour réclamer aux opérateurs de télécommunication des factures téléphoniques détaillées, puis des informations sur l’activité Web de suspects : les sites visités, les destinataires des e-mails envoyés…

Utilisation exponentielle des NSL

Mais la jurisprudence a tourné en défaveur du FBI. En 2008, le ministère de la justice américain a diffusé un mémorandum expliquant que les NSL ne pouvaient être utilisées que pour réclamer des factures détaillées de téléphonie, et non pour demander des données Internet. Depuis, le directeur du FBI, James Comey, tempête régulièrement contre ces restrictions qu’il attribue à une « faute de frappe » dans le texte de loi qui définit les usages de ces NSL. Il a tenté à plusieurs reprises de faire modifier la loi pour que ses services puissent de nouveau utiliser ces lettres pour accéder sans mandat aux historiques de navigation Web et aux métadonnées des e-mails.

Les défenseurs des libertés civiles dénoncent depuis des années l’utilisation des NSL, introduites dans les années 1970, et dont l’usage a cru exponentiellement après le 11-Septembre. L’absence de contrôle judiciaire sur ces demandes a conduit à de très nombreux abus, estiment les associations et les élus progressistes, notamment parce que les personnes visées ne savent pas qu’elles font l’objet d’une surveillance, et sont donc dans l’impossibilité de se défendre.

Nombreuses zones d’ombres dans l’enquête

L’amendement renforçant leurs pouvoirs a été déposé par l’ancien candidat à la présidentielle, le sénateur républicain John McCain, qui estimait « qu’après le tragique massacre d’Orlando, il est important que les forces de l’ordre aient tous les outils dont elles ont besoin pour mener leurs enquêtes de contre-terrorisme ». Deux jours après le massacre, le président Barack Obama et le FBI avaient expliqué privilégier la piste d’un « loup solitaire » qui se serait « radicalisé sur Internet ». Une version en grande partie démentie par l’enquête, selon la presse américaine. Omar Mateen, l’auteur de la fusillade abattu par la police lors d’une prise d’otage dans la boîte de nuit, avait été interrogé à deux reprises par le FBI après avoir tenu des propos extrémistes ces dernières années.

Surtout, de nouveaux témoignages rendus publics cette semaine montrent que M. Mateen, qui avait revendiqué l’attaque au nom de l’organisation Etat islamique dans un appel à police-secours durant l’attaque, a pu agir pour des motifs beaucoup plus personnels. Le témoignage de l’ex-compagnon du tueur, diffusé par la télévision américaine mardi, apporte un nouvel éclairage. M. Mateen aurait été lui-même homosexuel, et nourrissait une haine profonde envers la communauté homosexuelle latino-américaine, dont le Pulse est le principal lieu de rendez-vous à Orlando.

Après l’échec du texte à une voix près, les sénateurs républicains ont d’ores et déjà annoncé qu’ils comptaient déposer un deuxième amendement similaire dès que possible.