Le joueur Français de Leicester N'Golo Kante. | PAUL ELLIS / AFP

Les clubs anglais ne connaissent plus de succès sur la scène européenne depuis plusieurs années. Mais une autre menace pèse désormais sur tous les clubs de football britanniques : le « Brexit ». Depuis que le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union européenne (UE), en plein Euro de football en France, les secousses pourraient faire trembler le monde du ballon rond – encore davantage, sans doute, que l’Ovalie.

Karren Brady, la vice-présidente de West Ham et par ailleurs membre du Parti conservateur, a tiré la sonnette d’alarme. « Actuellement, les joueurs de l’UE peuvent signer dans les clubs britanniques sans avoir besoin de visa et de permis de travail, ce qui permet de faire venir les meilleurs talents rapidement et facilement », écrivait-elle en janvier dans une lettre envoyée à tous les clubs professionnels du royaume.

Le « Brexit » devrait mettre fin à cet accord. Les règles des visas pour les non-Européens s’appliqueraient alors à l’ensemble des joueurs de l’UE, avec des effets dévastateurs, selon Mme Brady : « Une étude indépendante [réalisée par le Guardian] a montré que les deux tiers des stars européennes dans les clubs anglais ne rempliraient pas les critères (nécessaires) et pourraient être forcées à partir. » Soit une centaine de joueurs rien que pour le championnat de première division, la Premier League, très dépendante des footballeurs étrangers, à commencer par ceux de ses voisins français.

« Modifier les règles »

Actuellement, les joueurs non-européens ont l’obligation d’avoir joué dans l’équipe nationale de leur pays pour avoir un visa automatiquement (même si des exceptions sont possibles en fonction du salaire du joueur, de son expérience et du prix du transfert). Ce n’est pas le cas de nombreux joueurs européens, particulièrement dans les équipes de second plan. Newcastle (qui compte six Français comme Arsenal), Aston Villa et Swansea seraient les trois équipes les plus touchées, et perdraient neuf joueurs chacune. Les deuxième et troisième divisions, qui recrutent souvent à l’étranger, pourraient aussi en souffrir sérieusement.

Mais les partisans du « Brexit » s’insurgent contre cette analyse. « La Football Association [fédération anglaise de football] ou le gouvernement pourraient modifier les règles », réplique l’association Vote Leave. Leur argument est le même que pour l’ensemble de la discussion sur une sortie de l’UE : oui, il faudra adapter certaines règles, que ce soit pour le commerce, les visas ou le sport ; non, ce ne sera pas difficile.

Autre argument qui minorerait les risques : « A supposer que le “Brexit” fonctionne, comment imaginer qu’un pays aussi proche de l’Union européenne que l’Angleterre ne serait pas lié par un accord de coopération ou d’association ? », demande Colin Miège, président du comité scientifique de Sport et citoyenneté, cercle européen de réflexion sur le sport.

Sur le plan économique, le débat existe aussi. Quid de la vente des droits télévisés à l’échelle communautaire ? Quid d’éventuelles subventions ? Sans prendre parti sur la question, M. Miège précise toutefois qu’en matière de sport la compétence de l’Union européenne reste « très légère, c’est une compétence dite d’appui ». Celle-ci date seulement du traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009, et concerne notamment une aide aux programmes Erasmus+ pour jeunes sportifs. Pas sûr que les stars de Premier League relèvent de cette catégorie.