Saïf Al-Islam, en vidéo-conférence depuis Zintan, lors de son procès tenu à Tripoli, en mai 2014. | MAHMUD TURKIA / AFP

A en croire ses avocats, la levée du mandat d’arrêt émis contre Saïf Al-Islam Kadhafi par la Cour pénale internationale (CPI) serait un préalable au retour à la stabilité en Libye. Le deuxième fils de Mouammar Kadhafi, alors considéré comme son héritier, est poursuivi depuis juin 2011 par la juridiction internationale pour crimes contre l’humanité, notamment pour l’enrôlement de mercenaires et pour son rôle dans la planification de la répression à partir de février 2011.

« La Libye est devenue aujourd’hui la destination du terrorisme, la Mecque du terrorisme » a plaidé Khaled Zaydi, au cours d’une conférence de presse organisée à La Haye, le 27 juin. L’avocat du barreau de Tripoli craint « un futur très sombre » pour la génération à venir, si rien ne change. « Il est impératif d’essayer de restaurer la stabilité ou à tout le moins la normalité. Cela requiert l’engagement des Nations unies et des autres », poursuit son homologue Karim Khan.

Ce dernier, avocat britannique, a déjà sorti trois de ses précédents clients des griffes de la Cour, dont récemment, le vice-président kényan, William Ruto. Il fait désormais équipe avec son confrère libyen et les deux hommes comptent bien demander à la CPI, dans les prochaines semaines, de refermer le dossier de Saïf Al-Islam. Leur désignation n’a néanmoins pas été validée par La Haye.

Déjà jugé

Le fils de l’ancien Guide libyen a été jugé et condamné à mort dans son pays, fin juillet 2015, avec 37 personnalités du régime, pour des crimes similaires à ceux reprochés par la Cour. Et il ne peut donc être jugé deux fois pour les mêmes faits, arguent les avocats. « Personne ne peut dire qu’il y a impunité, estime Karim Khan. Même s’il clame son innocence, il a déjà été condamné et il a déjà passé cinq ans en prison. »

Le procès s’était déroulé sous l’influence des islamistes, alors maîtres de Tripoli, dans un pays scindé, avec deux parlements, deux gouvernements. Et M. Kadhafi ne s’était pas déplacé devant ses juges. L’iniquité des procédures avait alors été largement dénoncée par plusieurs ONG et par la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul).

C’est le Conseil de sécurité des Nations unies qui, quelques jours après le début de la révolte en Libye fin février 2011, avait saisi la CPI. Quatre mois plus tard, elle émettait trois mandats d’arrêts contre Mouammar Kadhafi, son fils Saïf, et Abdallah Senoussi, longtemps chef des renseignements militaires du régime. Les poursuites contre le Guide libyen se sont éteintes après sa mort, en octobre 2011. En 2013, la Cour s’est aussi dessaisie du cas d’Abdallah Senoussi en faveur de la justice libyenne, décision confirmée en appel en 2014. Mais pas question pour l’instant de transférer le dossier Saïf Al-Islam, qui empoisonne les relations entre la CPI et la Libye, depuis cinq ans.

Saïf Al-Islam Kadhafi avait été arrêté le 19 novembre 2011, un mois après le décès de son père, dans le Sud libyen par une brigade de Zintan (nord-ouest de la Libye). Il y serait, selon ses avocats, toujours détenu. Contrairement à Abdallah Senoussi, le fils Kadhafi n’est pas entre les mains des autorités libyennes et la CPI maintient donc le mandat d’arrêt contre lui.

Dans un premier temps, celui considéré par la Cour comme « le premier ministre de facto » de l’ancien régime, était favorable à sa livraison à La Haye. Désormais, la loi d’amnistie générale, votée par le parlement de Tobrouk en septembre 2015, s’applique aussi à la famille Kadhafi, selon maître Khaled Zaydi. Ce qui, théoriquement, effacerait sa condamnation de juillet de la même année.

Alors qu’un gouvernement d’union nationale (GNA) tente, depuis avril, d’asseoir son autorité sur le pays, avec le soutien des Nations unies, la procureure Fatou Bensouda demandait aux juges de la Cour de s’adresser directement aux autorités de Zintan pour obtenir la livraison de Saïf Al-Islam. Les juges attendent encore un feu vert des autorités libyennes. Devant la Conseil de sécurité des Nations unies, le 26 mai, la procureure avait estimé que « si Monsieur Al-Atiri [le commandant de la brigade de Zintan] refusait de coopérer, le Conseil devrait de ce fait envisager sérieusement d’imposer des sanctions à son égard » et contre son bataillon.