Ce que l’on appelle mélodrame est devenu une des grandes catégories de l’histoire du cinéma. Conçu comme une manière de provoquer l’émotion du spectateur, le mélo est un genre à part entière, considéré dans les grandes cinématographies industrielles comme un moyen d’attirer un public particulier, plus précisément féminin, au terme d’une stratégie de « marketing » que la composition oligopolistique des grandes structures de production a toujours favorisé.

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Du plaisir dans le déplaisir

Le mélodrame repose sur des ressorts psychologiques et émotionnels particuliers, parfois de purs réflexes pavloviens, provoquant chez le spectateur, dans le déchirement de ses récits, une forme de « plaisir dans le déplaisir ». Les thèmes de l’amour empêché ou contrarié y induisent ceux du sacrifice. Le cinéaste italien Riccardo Freda, auteur de quelques fleurons du genre, y voyait une manière très facile d’attirer le public. « Vous séparez une mère de son enfant et ça marche toujours », dira-t-il. Le mélodrame aura été une manière, pour le cinéma, de trivialiser la tragédie.

Hollywood en produisit beaucoup, certains regroupés sous l’appellation générique de ­ « women’s pictures ». Longtemps, et parfois à tort, on a considéré ces films comme une manière de fiction aliénante, qui maintiendrait ses héroïnes souffrantes dans un état de soumission et de résignation masochiste. Certains cinéastes, comme John Stahl, King Vidor ou Douglas Sirk, ont inversé cette idéologie, dénonçant une aliénation qui serait le produit de la société elle-même.

Tradition catholique

L’Italie sera aussi un des grands producteurs de mélodrames, le genre s’épanouissant après-guerre sous la forme de ce qu’on a appelé le « mélo catholique ». La dénonciation sociale y est parfois délaissée au profit d’un lyrisme quasiment opératique, élevant les sentiments jusqu’au sublime dans les films d’un Vittorio Cottafavi et surtout d’un Raffaello Matarazzo.

Au Mexique, autre cinématographie profondément empreinte d’une tradition catholique, c’est la dimension sexuelle qui prévaudra notamment dans les films d’un Roberto Gavaldon. Elle constituera un terreau favorable à la perversité buñuélienne (Tourments, Susana la perverse, etc.). Le Japon de son côté offrait la cruauté des chefs-d’œuvre d’un Mizoguchi, poignante évocation du sort des femmes. Le mélodrame aura ainsi exemplairement illustré un état d’esprit national, si bien représenté par l’évolution spécifique du genre dans le cinéma français, de l’adhésion à la méfiance un peu cynique puis à la distanciation ­moderne.