L’Ordre des médecins a sondé  8 000 étudiants en 2e et 3e cycles ou jeunes praticiens. Près d’un tiers d’entre eux estiment état de santé « moyen ou mauvais ». | ALEX PROIMOS (CC BY-SA 2.0)

« La souffrance des étudiants [en médecine] et des jeunes médecins est avérée. » Ce constat alarmant conclut une enquête publiée par l’Ordre national des médecins et réalisée en mars et avril auprès de 8 000 étudiants en 2e et 3e cycles ou jeunes praticiens. Santé dégradée, surmenage, automédication, usage d’anxiolytiques, surmenage, idées suicidaires… Le diagnostic qu’ils posent sur eux-mêmes est celui d’un état de santé « moyen ou mauvais » pour 24,2 % des répondants, qui dépassent même 30 % pour les étudiants de 2e cycle (externes).

Burn-out

Comment en sont-ils arrivés là ? La quasi-totalité (95 %) indique avoir été soumise à des situations stressantes au cours des trois mois précédant les entretiens. La plupart évoquent des horaires insensés : 64 % travaillent plus de 48 heures par semaine. 16 % sont mobilisés entre 60 et 70 heures et 8 % déclarent même travailler plus de 70 heures hebdomadaires, souvent jusqu’à l’épuisement.

L’extrême fatigue émotionnelle est l’un des trois symptômes du burn-out, qui a touché 67 % des sondés. Ce facteur, ajouté à une « perte du sentiment d’accomplissement personnel », est évoqué par 49 % des sondés. Une dépersonnalisation des relations avec le patient est évoquée par un quart des soignants interrogés. Confronté à ces forts taux de malaise et d’insatisfaction, le conseil de l’ordre reconnaît une situation « préoccupante » et la nécessité pour l’institution de « s’emparer » d’un problème « sociétal » touchant « les jeunes générations en cours de formation ».

Il y a urgence. En effet, l’étude révèle un autre chiffre alarmant : 14 % des sondés reconnaissent « avoir eu des idées suicidaires », soit 1 079 des participants à l’enquête.

Automédication

L’automédication est quasi généralisée parmi les jeunes médecins et les étudiants en médecine : si 80 % des sondés prennent des antalgiques légers, ils sont près d’un tiers à s’auto-administrer des produits à base de morphine, 20 % s’autorisent des antidépresseurs et 26,5 % des somnifères.

Ils consomment donc beaucoup de médicaments, mais hors de tout contrôle extérieur : 78 % des étudiants sondés n’ont en effet pas consulté de médecin généraliste sur les douze derniers mois.

« On devra inéluctablement s’interroger sur les raisons de cet état de santé préoccupant », conclut le Conseil de l’ordre. Comment cette filière d’excellence qu’est la médecine en est-elle arrivée là ? Les anciens avancent des pistes : la dégradation des conditions d’études ? Une « moindre résilience » des nouvelles générations de médecins – dont la majorité sont aujourd’hui des femmes –, comparée à celle de leurs aînés ?

« Ceux qui invoquent l’idée d’une forte évolution entre le médecin d’aujourd’hui et celui d’il y a vingt ou trente ans ont raison. Depuis dix ans, les jeunes médecins connaissent la surspécialisation de leurs compétences et même une industrialisation de la médecine pour une recherche d’une plus grande efficacité. Parallèlement nous devons nous battre pour être payés à la hauteur de nos compétences, obtenir des horaires de travail humains et maintenir des conditions de formations de qualité. »

Ces propos de Baptiste Boukebous, président de l’intersyndicat national des internes, s’ajoutent à son diagnostic d’une nécessité de renforcer la notion de compagnonnage, colonne vertébrale de la formation médicale en France. Le lien qui lie un externe à un interne, et un interne à un chef de clinique doit dépasser celui du contrôle professionnel pour devenir également « un accompagnement psychosocial, avec des rendez-vous réguliers. Des moments ou apprenti et aînés font ensemble un point global sur les compétences universitaires mais aussi le projet humain et professionnel ».

Du côté des aînés, on acquiesce : « Il sera nécessaire d’élaborer des recommandations de bonnes pratiques d’accompagnement », écrit, laconique, le conseil de l’Ordre.