L’Assemblée nationale va examiner, de lundi 27 à vendredi 30 juin, le projet de loi « égalité et citoyenneté ». Sur le volet logement, les débats promettent d’être aussi vifs qu’il y a seize ans, pour la loi de solidarité et renouvellement urbains (la SRU, du 13 décembre 2000). Plusieurs maires sont déjà vent debout contre son article 20, qui crée un devoir de solidarité pour l’accueil, dans le parc social, des familles les plus modestes.

Le texte institue ainsi un quota, hors quartiers prioritaires de la ville (QPV), de 25 % de logements sociaux à réserver aux familles aux revenus les plus faibles. Dans le même esprit, le fameux article 55 de la loi SRU du 13 décembre 2000 obligeait les communes urbaines à se doter, d’ici à 2025, d’un parc social d’au moins 25 % du nombre de leurs résidences principales.

« Cette loi est une recentralisation, une renationalisation qui dit où et comment les Français doivent être logés », attaque Sylvain Berrios, député et maire (LR) de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), commune de 75 000 habitants qui compte environ 3 000 demandeurs d’une HLM et est épinglée à chaque bilan triennal de la loi SRU pour ses carences en logements sociaux, dont le nombre n’a augmenté que de 1 % en quinze ans, passant de 6 % à 7 %. « Pour moi, il n’y a que 10 % à 12 % de la population qui a besoin d’être aidée pour se loger. Faire croire aux Français que deux tiers d’entre eux peuvent accéder au logement social, c’est un mensonge d’Etat, renchérit-il. Je refuse cette vision qui m’empêche de construire du parc privé et m’oblige à densifier ma ville. »

Pour rattraper son retard, Saint-Maur devrait bâtir 1 577 logements sociaux d’ici à 2017. Son maire a cependant l’intention de n’en édifier que 500, en dépit des sanctions financières appliquées, de 3,5 millions d’euros par an, sur un budget municipal de 150 millions d’euros.

« Ghettoïsation »

Quant aux relogements, à Saint-Maur-des-Fossés, des familles éligibles au droit au logement opposable (Dalo), seules 12 en ont bénéficié, dans le parc municipal, entre 2010 et 2013, soit 10 % à 15 %, loin des 22,7 % auxquels s’était engagée la ville dans une convention d’utilité sociale signée, en 2011, avec l’Etat. De telles conventions ont été introduites, en 2009, par Christine Boutin, alors ministre du gouvernement Fillon, avec sa loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion. « Les Dalo sont toujours affectés dans le même quartier de Saint-Maur, celui des Rives de la Marne, déjà QPV et menacé, à force, de ghettoïsation, et l’Etat n’y est pour rien puisque c’est la ville qui ne fait pas, depuis des années, l’effort de produire une nouvelle offre ailleurs », s’inquiète Denis Laurent, conseiller municipal d’opposition (EELV).

De la même manière, l’office public de Courbevoie (Hauts-de-Seine), ville située dans le périmètre du quartier d’affaires de La Défense, n’a, entre 2009 et 2011, relogé que 33 familles prioritaires, dont 9 Dalo, alors qu’il s’était engagé, toujours par convention avec l’Etat, à en reloger 121. Sa voisine, Puteaux, plus riche encore, a réussi à faire moins bien : sur les 1 396 attributions réalisées entre 2009 et 2013, seules 30 (2,15 %) ont bénéficié aux familles Dalo.

Malakoff (Hauts-de-Seine) fait, elle, jouer la préférence communale et ne consent, selon un rapport de 2013 de l’organisme de contrôle du logement social, à reloger que les ménages qui habitent déjà la commune. L’office public HLM d’Arcueil et Gentilly (Val-de-Marne), Opaly, n’a consacré, en 2011 et 2012, que respectivement 2 % et 5,2 % de ses attributions aux Dalo, avant de se reprendre en 2013 et 2014, sans toutefois atteindre les 15 % promis.

« Ruissellement des eaux »

A Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), l’office public HLM s’est aussi fait épingler pour avoir trop peu construit et ne pas avoir signalé au préfet les 19 logements de son contingent qui se libéraient, ne relogeant, en outre, de 2012 à 2013, que 20 familles éligibles au Dalo parmi 257 attributions. « Noisy-le-Sec compte 45 % de logements sociaux, se défend Sébastien Moulinat-Kergoat, directeur général délégué de Noisy-le-Sec Habitat, et nous avons, en effet, choisi d’accueillir quelques-uns des 4 600 policiers nouvellement affectés dans le département. Quant au contingent du préfet, nous lui avons restitué et même au-delà. »

« Si nous avions pu nous passer de la contrainte et de la loi, nous l’aurions fait », indiquait la ministre du logement, Emmanuelle Cosse, vendredi 17 juin, en commission spéciale des lois, égrenant les villes, surtout franciliennes et varoises, qui n’accueillent pas assez de familles prioritaires.

Le débat parlementaire qui commence est l’occasion, pour le Collectif des villes carencées, qui en réunit déjà plus d’une centaine sur les 221 concernées, de remettre en cause l’article 55 de la loi SRU. C’est une initiative de Michèle Tabarot, maire du Cannet et députée des Alpes-Maritimes qui, au lendemain des inondations d’octobre 2015, en rendait responsable la sururbanisation. Dans un communiqué, Mme Tabarot soutenait que « l’application stricte de la loi SRU reviendrait à construire (dans sa ville) plus de 4 000 logements, ce qui aggraverait le bétonnage et le ruissellement des eaux » et qu’il fallait mettre un terme à son « application uniforme et aveugle ». En omettant la possibilité de transformer des immeubles existants en logements sociaux.