Le président colombien, Juan Manuel Santos (à gauche), serre la main du chef des FARC, Rodrigo Londoño (à droite), en présence du président cubain, Raul Castro (au centre), lors d’une réunion à La Havane, le 23 septembre 2015. | LUIS ACOSTA / AFP

Pour la première fois, le gouvernement colombien et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, extrême gauche) se sont mis d’accord sur un cessez-le-feu bilatéral et définitif, mercredi 22 juin. Ce n’est pas encore l’accord de paix négocié depuis novembre 2012, mais c’est la lumière au bout du tunnel. Les tractations vont continuer pour régler des questions comme l’établissement d’un organe chargé d’administrer la justice transitionnelle et la manière de ratifier l’accord, par voie de plébiscite ou au moyen d’une assemblée constituante. Le président colombien, Juan Manuel Santos, se rend à La Havane, jeudi, pour signer le cessez-le-feu, en présence de plusieurs chefs d’Etat d’Amérique latine et du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.

« Une Colombie en paix est un rêve qui commence à être réalité », a écrit M. Santos sur son compte Twitter. Son hashtag #OuiAlaPaix montre que la campagne du plébiscite a commencé, alors que les Colombiens restent partagés sur un accord avec les FARC. Un des chefs de la guérilla, Carlos Antonio Lozada, avait lancé le hashtag #DernierJourdelaGuerre pour annoncer le cessez-le-feu, provoquant des échanges contradictoires sur les réseaux sociaux.

« Pas au bout »

Il y a quelques jours, le président colombien avait déclaré qu’il espérait signer l’accord de paix avant le 20 juillet, jour de l’indépendance de la Colombie. Cette accélération de la dernière étape des tractations n’avait pas été appréciée par le chef des FARC, Rodrigo Londoño, alias « Timochenko ». Ce dernier avait assuré que les deux parties avaient hâte de conclure le plus tôt possible. Cependant, l’expérience avait montré que fixer des dates avait plus d’inconvénients que d’avantages. « Nous avons avancé, mais nous n’en sommes pas au bout », avait écrit « Timochenko » sur Twitter.

Selon le communiqué conjoint des négociateurs, l’accord de cessez-le-feu fixe les modalités d’abandon des armes, donne des garanties de sécurité aux guérilleros démobilisés et prévoit de réprimer les bandes criminelles qui ont pris la relève d’une partie des milices paramilitaires d’extrême droite, après leur démobilisation (2003-2006). La remise des armes devra se faire sous la supervision de l’ONU, dans des zones de concentration prévues à cet effet, en fonction de l’implantation des FARC sur le territoire. Cela concerne environ 7 000 guérilleros. La date de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu n’a pas été précisée, même si les hostilités se sont considérablement réduites sur le terrain depuis 2015. Le début du cessez-le-feu pourrait coïncider avec la signature finale des accords de paix.

L’autre guérilla toujours active

Daniel Pécaut, spécialiste de la Colombie, estime que la désignation des magistrats de la justice transitionnelle reste un point délicat. « La Cour constitutionnelle répugne à faire des concessions sur ses prérogatives, explique-t-il. Par quelle procédure désigner les juges appelés à administrer la justice sur les affaires concernant le conflit armé est une question compliquée. » Sans avoir renoncé à une Assemblée constituante, les FARC semblent s’être ralliées à l’idée d’un plébiscite en guise de ratification.

La Colombie ne connaîtra pas la paix tant que l’autre guérilla, l’Armée de libération nationale (ELN, castriste), n’acceptera pas de s’engager à son tour dans des négociations. L’ELN traîne des pieds et multiplie des actions armées pour rappeler qu’elle garde une capacité de nuisance. Ancien guérillero de l’ELN, Leon Valencia dirige à Bogota la fondation Paix et réconciliation. A son avis, « mettre fin à la guerre, au conflit armé interne, signifie tourner la page d’une époque de guérillas et de dictatures militaires ». La Colombie est le dernier pays d’Amérique latine à avoir des guérillas. Pour les Colombiens, la paix « signifierait de passer du XXe siècle au XXIe siècle », conclut M. Valencia.