Ce gouvernement ne doit pas continuer à faire monter les tensions dans le pays. Nous le disons depuis des jours. Pour imposer la loi travail, peut être croit-il donner l’impression de « l’amender » dans la confusion des départs en vacances, début juillet. Est-ce ainsi qu’on gouverne ? Il semble aux abois, à bout de nerfs. Il manie les provocations policières pour accuser les organisations syndicales et laisse faire quelques groupes violents, en marge des manifestations. Ses soutiens en viennent à calomnier les « mauvais syndicats », c’est-à-dire les syndicalistes qui ont le mauvais gout de continuer à résister. Leurs propos sont souvent teintés d’un mépris de classe manifeste. Décision sans précédent depuis des décennies, il vient d’interdire une manifestation syndicale, remettant ainsi en cause une liberté fondamentale.

Pourtant il faut débloquer la situation. Le projet de loi El Khomri est aujourd’hui rejeté par l’opinion. Le gouvernement refuse pourtant de la retirer. Nous lui demandons alors cette chose simple : ouvrir un vrai débat public contradictoire sur ce projet ? Cela avait été réalisé au moment de la consultation sur le Traité constitutionnel européen, avec à la clef un référendum. Quels que puissent être les défauts de la forme référendaire, la situation présente est si fermée qu’il faut bien la débloquer. Nous demandons donc au président de la République, puisqu’il refuse de retirer le projet de la loi El Khomri, qu’il organise un référendum sur le projet présenté à l’Assemblée.

Il est grand temps que les propositions des organisations syndicales soient débattues. Le gouvernement craindrait-il que le projet de sécurité sociale professionnelle, de nouveaux rapports au droit du travail et de nouvelles modalités de négociation et de formation soient approuvés par le plus grand nombre ?

Heureusement, et contre lui, il a permis de faire entendre, au gré des manifestations, des Nuits Debout et de multiples débats, des exigences et des critiques pertinentes sur l’organisation de la société, un peuple qui vaut mieux que ça, mieux que le silence qu’on lui veut lui imposer, un peuple debout.

N’entend-t-il plus les citoyen-es ? Qui l’a élu ? Peut-il gouverner sans le peuple et aussi contre la représentation nationale à coup de 49.3, preuve qu’il n’a pas de majorité pour voter un tel texte ? Voter à la présidentielle n’est pas donner un passeport vers nul part. Elire, même sous la Ve République, n’est pas s’en remettre au bon vouloir d’un monarque républicain, qui s’affranchit de son programme. Elire n’est pas donner une carte blanche mais un mandat. Il n’en a reçu aucun pour imposer la loi travail.

Il y a eu trop de blessures, trop de mensonges qui accroissent la colère. Il doit cesser de côtoyer les risques de tragédie. Nous croyons, pour notre part, qu’une très large majorité de la population a parfaitement compris cette loi : pour favoriser de grands groupes financiers, il faudrait encore réduire les droits des salarié(e)s. Il n’y aurait plus au final un Code du travail, mais des rapports de dépendance, entreprise par entreprise ; des syndicats contournés, des individus moins payés, isolés, sommés de se soumettre ou renvoyés au chômage.
Les partisans de la loi El Khomri arguent de sa « modernité ». Qu’ils la démontrent ! Débattons. Et que tranchent les citoyens. Il est temps qu’un juge de paix advienne. En démocratie, c’est le peuple souverain. Il est temps que lui revienne le dernier mot. C’est pourquoi nous demandons l’organisation d’un référendum sur le projet de loi travail.

Etienne Balibar (philosophe), Jacques Bidet (philosophe), Patrick Chamoiseau (écrivain), Pierre Cours-Salies (sociologue), Annie Ernaux (écrivain), Susan George (présidente d’honneur d’ATTAC), Pierre Joxe (avocat, ancien ministre), Pierre Khalfa (économiste, coprésident de la Fondation Copernic), Jean-Luc Nancy (philosophe), Willy Pelletier (sociologue, Fondation Copernic), Aurélie Trouvé (économiste, Attac).