Jérôme Cahuzac sort du palais de justice de Paris. Son procès est reporté au 5 septembre 2016. | Olivier Coret / Divergence pour Le Monde

Le procès de l’ancien ministre du budget, Jérôme Cahuzac, a été suspendu, mercredi 10 février, et reprendra le 5 septembre. Le tribunal correctionnel de Paris, où il comparaissait depuis lundi pour fraude fiscale, blanchiment, et pour avoir « minoré » sa déclaration de patrimoine en entrant au gouvernement en 2012, a jugé recevable une question de droit de la défense.

Cette « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC), qui doit être examinée par la Cour de cassation puis le Conseil constitutionnel, conteste le cumul de sanctions pénales et fiscales, en matière d’impôt sur la fortune. « Double poursuite, double sanction ! », a dénoncé la défense. Les avocats des Cahuzac ont rappelé que leurs clients avaient déjà « accepté un redressement fiscal majoré de 80 % », d’un montant de plus de 2,3 millions d’euros, dont 500 000 euros de pénalités.

Dénonçant un « acharnement », Me Jean Veil, un des conseils de Jérôme Cahuzac, a estimé le « cumul » des poursuites « irrégulier et contraire à la Convention européenne des droits de l’homme ». Sébastien Schapira, avocat de son ex-épouse, Patricia Cahuzac, poursuivie comme lui pour fraude et blanchiment, a appelé à prendre en compte « la sévérité de la sanction » déjà acquittée. Sont également poursuivis pour blanchiment leurs anciens conseillers, le banquier suisse François Reyl et l’ancien avocat Philippe Houman. Tous encourent jusqu’à sept ans de prison et 1 million d’euros d’amende.

Une fraude « obstinée », « sophistiquée », « familiale »

Coup de tonnerre politique, l’affaire Cahuzac avait débuté en décembre 2012, quand le site Mediapart révéla que le ministre possédait un compte caché à l’étranger. Alors drapé dans son costume de redresseur de comptes, il avait commencé par tout nier. Mais les preuves s’accumulant, il démissionna en mars 2013 avant de passer aux aveux en avril. L’instruction démontera les mécanismes d’une fraude fiscale « obstinée », « sophistiquée » et « familiale ».

Il fallait placer l’argent qui coulait à flots, des revenus de la clinique spécialisée dans les implants capillaires tenue par les époux Cahuzac, mais aussi des prestations du chirurgien, ex-conseiller ministériel, auprès de laboratoires pharmaceutiques. Un premier compte est ouvert par un « ami » en 1992, puis un autre au nom de Cahuzac. Lorsque le sacro-saint secret bancaire suisse se fissure, en 2009, les quelque 600 000 euros qu’y détient Jérôme Cahuzac prennent la route de Singapour, via une société enregistrée aux Seychelles et mise en place par un intermédiaire à Dubaï.

Les époux ouvrent aussi ensemble un compte sur l’île de Man en 1997 pour déposer des chèques de leurs patients anglais. Patricia Cahuzac ouvre en 2007 son propre compte suisse, sur fond de brouille avec son époux. Jérôme Cahuzac a reconnu des livraisons d’argent liquide à Paris, de la main à la main. Même les comptes de la mère de l’ex-ministre auraient servi à « blanchir » des chèques établis par des clients de la clinique.