Qwant emploie actuellement 50 salariés, et a enregistré 1,5 million d'euros de chiffre d'affaires en 2013. | DR

Pas facile d’exister face au tout puissant Google en Europe. Les dirigeants et fondateurs de Qwant peinent à faire de leur bébé l’alternative européenne au géant de Mountain View (Californie), dont ils rêvent depuis sa naissance, en 2011. Avec la présentation, mardi 14 avril, de la nouvelle version de ce moteur de recherche, apparu sur la toile en février 2013, Jean-Manuel Rozan et Eric Léandri, respectivement président et directeur général de Qwant, espèrent franchir une étape décisive.

Et cette fois, les planètes semblent plutôt bien alignées. Jamais la toute puissance de Google dans la recherche sur Internet n’a été autant questionnée. Au point que Bruxelles serait proche de communiquer au groupe américain une liste de griefs dans laquelle seraient formalisés les reproches de la Commission européenne quant aux pratiques du moteur de recherche. L’envoi des griefs signifierait que l’enquête pour abus de position dominante ouverte en 2010 entrerait dans une phase contentieuse.

Sur le marché des requêtes sur le Web, Google détient aujourd’hui, selon Statcounter, une part de marché en Europe de 92,3 %. Avec respectivement 2,6 % et 2,2 %, les américains Bing et Yahoo! occupent la deuxième et troisième place du podium. Le russe Yandex est le premier européen, avec une part de marché de 1,3 %. Les autres moteurs de recherche, dont Qwant, doivent donc se partager des miettes, 1,6 %.

Mais pas question pour autant pour le « petit » d’attaquer Google sur le front du droit. « Nous souhaitons juste démontrer aux autorités européennes que nous avons un produit qui fonctionne, qui est pertinent et les inciter à nous utiliser », souligne M. Léandri.

David contre Goliath

Dans les faits, l’opposition Qwant-Google a tout de celle de David contre Goliath. Le moteur européen indique avoir traité 1,6 milliard de requêtes en 2014. C’est peu ou prou le nombre de requêtes adressées à Google chaque… jour. Mais, affirme, M. Léandri « nous avons la conviction que Qwant a sa place ».

Cette foi se fonde sur des chiffres – chaque mois, Qwant enregistre 20 % de requêtes en plus – et sur une certitude, celle de proposer un modèle distinct. Cette différence est d’abord visuelle. Sur sa page d’accueil, Qwant présente ses résultats en colonnes : mettant d’un côté les sites Web, de l’autre les actualités, les sites d’e-commerce et les réseaux sociaux.

Présentation en colonnes et par thématiques des requêtes adressées à Qwant. | DR

Cette dernière option n’est pas proposée pas les moteurs de recherche classiques. « Nous sommes attachés à l’idée de garder une vision ouverte du Web. Nous proposons un choix alors qu’ailleurs l’Internet a tendance à se fermer », argumente M. Léandri.

La deuxième différence entre Google et Qwant tient au modèle économique. L’américain a assis une partie de son succès sur la vente de mots-clés, qui permettent aux sites marchands d’apparaître en tête de la recherche. Le français se rémunère uniquement en percevant une commission à chaque fois qu’un utilisateur ouvre un site d’e-commerce à partir de sa colonne shopping.

« Forte viralité »

En 2013, Qwant, qui emploie aujourd’hui 50 personnes, a enregistré un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros, à comparer aux 60 milliards de dollars affichés par Google cette même année.

Mais « notre stratégie n’est pas axée sur le chiffre d’affaires », justifie M. Rozan. « Nous voulons d’abord construire l’audience et cela passe par un moteur qui soit pertinent, un bon produit à forte viralité ». Et d’espérer qu’avec la version plus simple et moins déboussolante pour l’internaute, présentée mardi 14 avril, ils approcheront de cet idéal.

Qwant – qui est disponible en 15 langues – a commencé à séduire hors des frontières hexagonales. En juin 2014, l’Allemand Axel Springer a pris 20 % du capital, portant à 10 millions d’euros les fonds levés par la start-up depuis sa création.

« Le groupe Axel Springer cherchait des solutions dans le domaine du search et voulait un partenaire qui savait indexer, classer, etc. Et comme, en plus, les Allemands sont attachés à l’idée de l’existence d’un moteur européen, Qwant les a intéressés », explique M. Léandri.

Nouveaux moyens financiers

Derrière l’émergence ou non de rivaux aux moteurs américains affleurent des questions de souveraineté. Qwant a élaboré son propre algorithme, envoie des robots fouiller l’Internet mondial (500 000 sites à l’heure) et constitue ainsi sa propre bibliothèque de l’Internet avec des serveurs situés en région parisienne précisément.

Avec l’arrivée d’Axel Springer, Qwant a obtenu de nouveaux moyens financiers pour son développement. Ce partenariat va lui permettre de devenir également le moteur natif des publications du groupe allemand, ce qui devrait mécaniquement lui assurer un surcroît de visites. Dès 2015, le moteur de recherche espère atteindre les 15 milliards de requêtes. « Le soutien d’Axel Springer devrait aussi nous être utile lors de notre prochain tour de table, sans doute cet été », indique M. Léandri.

La dernière différence entre Google et Qwant n’est sans doute pas la moindre puisqu’elle touche à la préservation de la vie privée. Les dirigeants de la start-up affirment que les résultats affichés en réponse une requête ne sont pas sélectionnés en fonction des données personnelles collectées lors d’une précédente navigation, au contraire de ce qui peut s’observer ailleurs.

« Pour gagner de l’argent, nous n’avons pas besoin de vous traquer », telle serait la promesse de Qwant. Un engagement qui pourrait faire mouche après l’affaire Snowden.