Le temps se couvre sur le port de Copenhague. L’étoile à sept branches du groupe AP Moller-Maersk, son emblème depuis 1904, est en train de pâlir. Le plus grand conglomérat danois a annoncé jeudi 23 juin le départ précipité de son capitaine, Nils Andersen, et évoque désormais la possibilité d’un éclatement du groupe, ou du moins la vente d’une partie de ses activités. Le puissant Maersk est le symbole à lui tout seul d’une mondialisation en difficulté. Le groupe est le premier transporteur de conteneurs du monde, mais il est aussi explorateur et producteur de pétrole, propriétaire d’installations portuaires et de logistique sur toute la planète.

L’entreprise est entrée depuis un an dans une zone de tempête inédite où se sont mêlés le ralentissement du commerce international et l’effondrement des cours du pétrole, ses deux principales activités. Preuve en est que la diversification n’est pas forcément une protection contre les aléas de l’existence. Le coup de mou de l’économie mondiale, et particulièrement de la Chine, a levé un vent mauvais qui a balayé nombre de secteurs solides.

Un effet ciseaux

Pourtant, la croissance des échanges internationaux s’est quasiment arrêtée en 2015, moins de 1 % selon l’armateur danois, contre des progressions à deux chiffres avant la crise financière. Et la prévision pour cette année, entre 1 % et 3 % de hausse, est inférieure aux 4 % à 5 % estimés auparavant. Or ce décalage entre les prévisions et la réalité est essentiel dans un métier capitalistique où il faut compter plusieurs années entre la commande d’un navire et sa ­livraison.

2015, année noire du commerce mondial, a pris de court les industriels du secteur qui avaient travaillé sur un autre scénario. Face à une quasi-stagnation de l’activité, la capacité de fret mondial en porte-conteneurs s’est, elle, accrue l’an dernier de 8 %. Maersk, qui a annulé en catastrophe ses options d’achat de nouveaux bâtiments, en a tout de même 27 encore en construction. Les surcapacités sont telles aujourd’hui dans le transport maritime que l’on a vu, en avril 2016, une compagnie de transport britannique, Goldenport, mettre à l’encan ses cargos pour 1 dollar pièce !

Résultat de cet effet de ciseaux, Maersk a annoncé une perte nette de 2,5 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros) au quatrième trimestre de 2015. Une sanction plus dure que pour d’autres concurrents, comme le français CMA-CGM, due à son exposition à la chute des cours du pétrole. Elle a eu des effets délétères à la fois sur sa branche de production pétrolière, qui a dévalorisé des actifs au Kazakhstan, en Angola, au Brésil et en Grande-Bretagne, et sur le fret en réduisant les ambitions commerciales de nombre de pays émergents. En ces temps de « Brexit » et de construction de murs de toutes sortes, les perspectives d’une météo plus clémente s’éloignent pour les géants du commerce mondial.