Marine Le Pen, présidente du Front national, avec ses alliés européens d’extrême-droite, en juin 2015 à Bruxelles. | Virginia Mayo / AP

La première pièce du jeu de dominos est tombée avec la victoire du « Brexit » lors du référendum organisé au Royaume-Uni, jeudi 23 juin. Pour Marine Le Pen et ses alliés eurosceptiques, qui veulent disloquer l’Union européenne, tout l’enjeu est désormais de savoir si les autres pièces du jeu ont été correctement alignées, et si elles seront entraînées par la chute de la Grande-Bretagne.

Seul parti politique français majeur à avoir ouvertement fait campagne en faveur d’une sortie des Britanniques de l’UE, le Front national jubile. Le parti d’extrême droite s’est empressé de réclamer, vendredi, l’organisation d’un référendum similaire sur la participation de la France aux institutions européennes. « Victoire de la liberté ! Comme je le demande depuis des années, il faut maintenant le même référendum en France et dans les pays de l’UE », a écrit la présidente du FN Marine Le Pen dans un message posté sur Twitter. Ce scrutin devrait même avoir lieu « le plus vite possible » a surenchéri son bras droit, vice-président du parti, Florian Philippot, pour qui « la liberté des peuples finit toujours par gagner ».

26 % des Français en faveur d’un « Frexit »

Les néologismes sont désormais de sortie : « Frexit » en France ; « Nexit » aux Pays-Bas… Geert Wilders, chef de file du PVV néerlandais, allié du FN au Parlement européen, a lui aussi souhaité l’organisation d’un référendum dans son pays. « Maintenant, c’est à notre tour », a lancé de son côté le patron de la Ligue du Nord italienne, Matteo Salvini, autre partenaire du FN. « Le temps est mûr pour une autre Europe, une Europe des nations », s’est réjouie quant à elle Frauke Petry, présidente de l’AfD en Allemagne, qui plaide pour un rapprochement de son parti avec le FN.

Figure de proue de l’euroscepticisme sur le Vieux Continent, Marine Le Pen va faire du « Brexit » un argument électoral jusqu’à l’élection présidentielle de 2017. Pour les frontistes, la France a « plus de raisons de sortir de l’UE » que le Royaume-Uni ne pouvait en avoir lui-même, puisqu’elle appartient, contrairement aux Britanniques, à la zone euro et à l’espace de libre circulation de Schengen.

Le parti lepéniste propose depuis 2013 l’organisation d’un référendum sur l’Union européenne ou sur le maintien de la France dans la monnaie unique. Une proposition qui continue d’effrayer une partie de l’électorat, en particulier les retraités, peu enclins à voter pour la formation d’extrême droite. Selon une enquête OpinionWay parue en juin, seulement 26 % des Français voteraient en faveur d’un « Frexit » et 51 % contre (le reste des personnes interrogées ne se prononce pas).

Mantra répété sans fin

Ces derniers mois, le mot d’ordre lepéniste était donc de faire « comme les Anglais » en cas de victoire en 2017 : d’abord, négocier avec les autorités européennes pour tenter de rapatrier les « souverainetés » françaises (« législative », « monétaire », « judiciaire », « frontières ») ; ensuite, organiser un référendum en cas d’échec des négociations, pressenti comme certain. Quoi de plus rassurant, aux yeux de l’opinion, que de singer un premier ministre conservateur britannique comme David Cameron, figure de l’« establishment » ?

« Victoire de la liberté », « printemps des peuples »… Le Front national essaye autant que possible de parer son message d’atours positifs, lui qui a souvent été accusé de progresser sur une rhétorique de peur. A rebours d’une UE qui génère, selon elle, de la « confusion », du « désordre », du « conflit », du « chaos », Marine Le Pen propose une « Europe des nations », projet qui se veut, bien entendu, « réaliste », « sérieux », « serein », « prospère », « apaisé ». Le dernier mot est même devenu le slogan de la présidente du parti frontiste depuis le début de l’année, un mantra répété sans fin pour essayer d’en finir avec une image toujours clivante.

Victoire par procuration

« L’UE est en déliquescence, elle craque de partout. Soit on attend le déluge, l’explosion, ou alors on se met autour d’une table et on construit l’Europe des nations, qui remplacera l’UE totalitaire que nous connaissons aujourd’hui », a déclaré Mme Le Pen sur TF1, mardi 21 juin. L’épreuve des faits risque néanmoins de s’avérer bien plus décisive que le choix des mots pour le FN. Si les conséquences du Brexit devaient s’avérer malheureuses, notamment d’un point de vue économique, l’exemple britannique prendrait du plomb dans l’aile.

En tout cas, Marine Le Pen peut enfin se targuer d’une victoire par procuration. En mai, le FPÖ et son candidat Norbert Hofer avaient échoué d’un cheveu lors de l’élection présidentielle autrichienne. Il y a un an, le FN se désolait du choix du premier ministre grec Alexis Tsipras de maintenir son pays coûte que coûte dans la zone euro.

En ce mois de juin, la députée européenne fête le premier anniversaire de la création du groupe Europe des nations et des libertés (ENL), qu’elle préside au Parlement européen, et qui lui sert de tribune pour s’adresser aux chefs d’Etats et de gouvernements. Ses coups de boutoir permanents s’accompagnent de brèches sur la scène politique française.

Bruno Le Maire, candidat à la primaire des Républicains, a promis, vendredi, l’organisation d’un référendum en France sur une « nouvelle orientation européenne » s’il était élu. « La leçon est que l’Union européenne, on la change ou on la quitte (...) L’heure du plan B va sonner. Ma candidature pour l’élection présidentielle est celle de la sortie des traités européens », a assuré de son côté Jean-Luc Mélenchon, du Parti de gauche. Les dominos tombent.