Deux cent mille cubes flottants ont été assemblés pour créer un ponton de trois kilomètres de long reliant la ville de Sulzano, sur la rive du lac, au petit îlot de Monte Isola. | STEFANO RELLANDINI / REUTERS

« Un nouveau miracle de Christo… » Les journaux italiens ne se privaient pas, jeudi 23 juin, de filer la métaphore religieuse à propos du succès populaire rencontré par la nouvelle installation du plasticien bulgare Christo Vladimirov Javacheff, célèbre pour ses emballages du Pont Neuf à Paris ou du Reichstag à Berlin. Il s’agit cette fois de trois kilomètres de pontons flottants sur le petit lac d’Iseo (Lombardie) qui donnent au visiteur l’impression de marcher sur l’eau entre la commune de Sulzano (1 800 habitants), sur la terre ferme, jusqu’à l’île de Monte Isola, sorte d’énorme caillou posé dans un baquet.

Mais ce succès a son revers. Depuis l’ouverture aux visiteurs, 275 000 personnes se sont présentées pour fouler les passerelles recouvertes d’un tissu jaune dahlia. « Soit 550 000 semelles de chaussures », note avec précision le quotidien La Repubblica. La prévision de 500 000 visiteurs jusqu’au 3 juillet, date à la quelle l’œuvre sera démontée est largement dépassée. Résultat, les pontons – 200 000 cubes de polyéthylène reliés entre eux par 200 000 vis géantes – s’usent beaucoup plus vite que ne l’avait pensé Christo, même s’ils ne peuvent accueillir plus de 11 000 personnes en même temps. La sécurité de ces promeneurs est assurée en permanence par 150 personnes sur les passerelles et 30 maîtres-nageurs barbotant dans l’eau.

3000 personnes bloquées en gare

Ni Sulzana, ni Monte Isola, ni l’Italie en général et ni Christo n’avaient prévu une telle affluence. Réputés pour leur capacité à faire front à toutes les situations d’urgence qui se présentent (surtout celles qu’ils n’avaient pas anticipées), les Italiens parent au plus pressé. L’accès à l’œuvre sera désormais fermé au public de minuit à 6 heures du matin, afin de laisser le temps aux petites communes de départ et d’arrivée des passerelles d’effacer les traces laissés par ces hordes de visiteurs. Le temps aussi de ravauder le revêtement des pontons.

Mais le succès des pontons flottants a des répercutions qui vont au-delà du lac d’Iseo, jusqu’à la ville de Brescia d’où partent les trains pour Sulzana. Mercredi 22 juin, près de 3 000 personnes en été bloquées dans la gare faute de wagons. 400 d’entre elles ont été victimes de malaise en raison de la forte chaleur qui règne sur le nord de l’Italie. Le préfet Valerio Valenti a en effet décidé de supprimer des trains pour limiter l’affluence aux alentours du lac. « Découvrir les pontons n’est pas un droit mais une opportunité » a-t-il rappelé. Faute de tortillards, un poste médical a été installé.

L’accès par autobus est également saturé d’autant que Sulzana n’est traversée que d’une seule rue principale dans laquelle deux voitures parviennent tout juste à se croiser. « Au miracle de l’artiste correspond l’incapacité évidente de la logistique », souligne un responsable d’une association écologiste Legambiente. Christo recommande désormais d’éviter les week-end, période où peuvent se presser plus de 50 000 personnes, pour visiter son œuvre. Sera-t-il entendu de ses disciples ?

Le ponton éphémère de l’artiste Christo attire les foules sur le lac d’Iseo