« Je n’ai peut-être pas la tête de l’emploi, mais je m’invite dans ce débat ! » C’est par cette phrase qui lui ressemble que la Malienne Aminata Traoré a déclaré sa candidature, tout début juin, au poste de secrétaire général des Nations unies.

Après plus d’un demi-siècle de domination masculine sans partage, l’ONU cherche enfin une femme pour la diriger. Aminata Traoré serait-elle un choix pertinent pour occuper ce poste ? Au moins, elle ne serait pas l’icône d’un féminisme cosmétique adoubé par les marques, les multinationales ou les grandes institutions internationales au nom de la diversité. Elle représente plutôt un féminisme de combat, ainsi qu’une ligne idéologique qui, si elle ne fait pas l’unanimité, a le mérite (ou le défaut !) de ne pas varier d’une virgule au gré des circonstances.

C’est aussi une mère venue d’Afrique et précisément d’un pays, le Mali, qui symbolise les enjeux liés aux inégalités sociales et à la violence terroriste avec lesquels nous sommes appelés dorénavant à vivre.

Déresponsabilisation

L’hydre islamiste a marqué le pays des Askia de son fer rouge. Depuis 2012, la guerre contre les djihadistes du Nord a transformé malgré lui le Mali en théâtre d’opérations régionales et internationales où se croisent les visées de la France, de l’Algérie, du Burkina Faso et même du Tchad. Aux premières loges de ce spectacle souvent lourd de menaces, Aminata Traoré a tenté d’adresser au monde un message d’espoir, censé illustrer la résilience d’une nation en proie à de violents démons.

Le corpus idéologique de Mme Traoré a néanmoins montré ses limites. Son soutien au capitaine Sanogo, auteur d’un coup d’Etat en 2012 ayant facilité la progression des djihadistes du Nord, ou sa virulente opposition à l’opération « Serval », qui a pourtant empêché la chute des Bamako, sont d’étranges prises de position, révélatrices de la difficulté d’Aminata Traoré à mettre à jour sa grille de lecture, dans laquelle les Africains sont toujours innocents, et la France toujours coupable. Cette entreprise de déresponsabilisation, que j’ai dénoncée dans une chronique précédente, n’aidera pas le continent à affronter les maux qui le minent, ni même à tourner la page de la Françafrique.

Et pourtant, même si je suis en désaccord profond avec elle, j’ai du respect pour cette militante fondamentale, allant à rebours du renoncement et de l’engagement opportuniste, n’ayant que faire des lubies des bailleurs, généreux et calculateurs.

Candidature de « témoignage »

Cela dit, malgré ses qualités intellectuelles et son charisme, l’ancienne ministre de la culture d’Alpha Oumar Konaré ne sera pas élue.

Aux Nations unies, le choix ne peut se porter sur une femme dont les diatribes incommoderaient, dans leurs palais feutrés, les puissants et leur sommeil délicat, que des vies humaines laissées à la merci de tous les dangers dans les camps des réfugiés ou sur les champs de bataille ne semblent pas perturber. D’ailleurs, l’administration onusienne se cherche un « secrétaire », pas un « général » pour diriger l’instance suprême de la diplomatie multilatérale.

Aminata Traoré ne sera pas élue, car c’est une femme qui ressemble trop aux personnes ordinaires que les Nations unies sont censées défendre et protéger. Elle vit à Missira, quartier populaire de Bamako, et cohabite avec des femmes et des jeunes pour lesquels elle porte des projets d’inclusion sociale et d’autonomisation.

Mais sa candidature, que je qualifierais de « témoignage », est une excellente chose dans le débat qu’il faut installer sur l’orientation de l’ONU, sa réforme nécessaire, ses limites objectives et son contrôle, soixante-dix ans après sa création par les vainqueurs de la seconde guerre mondiale. Elle doit aussi élargir le champ des possibles dans le choix du successeur de l’insipide Ban Ki-moon, en inspirant d’autres femmes du continent.