Un concert était donné à Matignon mardi 21 juin au soir, à l’occasion des 35 ans de la Fête de la musique. | FRANÇOIS GUILLOT/AFP

On entend résonner la musique avant d’arriver devant l’imposante église Saint-Eustache. Et déjà, les gens se dandinent sur l’escalator qui les hisse hors du Forum des Halles. C’est ici, à deux pas de la canopée, que convergent en grand nombre, traditionnellement, les Parisiens pour la Fête de la musique de Paris . Les « 36 heures de Saint-Eustache » ont débuté la veille, mais cette année, les amoureux de la musique ne sont pas tous descendus dans la rue. La faute au mauvais temps, à l’état d’urgence ou encore à l’Euro, mais pas seulement, explique Louis Robiche, régisseur de l’église. « L’année dernière, la Fête avait lieu tout au long du week-end, mais pour cette édition, on est sur un début de semaine. C’est plus compliqué. » Si les organisateurs espèrent atteindre les 5 000 spectateurs, cela reste malgré tout moitié moins que l’édition 2015. Et c’est bien l’impression générale qui se dégage des rues de Paris. Les trottoirs sont certes plus remplis qu’un banal mardi soir, mais il y a incontestablement moins de monde qui s’entasse sur les places et les avenues de Paris.

Un kilomètre plus loin, après avoir affronté la symphonie de klaxons qui se joue lorsque l’on traverse la rue du Louvre, un autre concert a du mal à retenir les passants. Organisé dans les jardins du Palais Royal par le ministère de la culture, le spectacle n’amasse pas foule. Quelques couples, beaucoup de familles, le tout dans une ambiance qui se rapproche plus d’une fête de fin d’année que d’un concert endiablé.

Plusieurs concerts annulés

Plus étrange encore, aucune musique ne retentit à mesure que l’on descend vers la place Denfert-Rochereau. De mémoire de patrons de café, on ne se souvient pas avoir vu l’habituel concert de la Fête de la musique annulé. Depuis 1988, le Ricard SA Live Music transforme cet énorme carrefour du sud de Paris en scène géante, pour le plus grand malheur des automobilistes qui s’en voient interdire l’accès. Pas cette année, regrettent les commerçants du quartier.

Jérôme, serveur dans une brasserie à quelques mètres de la place, attend le client sur le pas de la porte : « Je n’ai jamais vu ça. Normalement les terrasses sont pleines dès la fin d’après-midi. C’est une grosse perte pour les commerçants. » Bien que la plupart comprennent les justifications avancées par la préfecture de police de Paris – les effectifs policiers sont mobilisés ailleurs –, tous regrettent que le refus ait été annoncé si tardivement. « Si on avait su plus tôt, on aurait pu s’organiser autrement en faisant venir des groupes, mais là, on n’avait plus le temps de demander une nouvelle autorisation », poursuit Jérôme.

Des musiciens dans une rue de Paris à l’occasion de la 35e Fête de la musique, le 21 juin 2016. | GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP

Plus au sud encore, le parc Montsouris est désespérément silencieux. Les jogueurs sont au rendez-vous, les familles aussi, mais on distingue surtout parmi eux de nombreux curieux qui sillonnent le parc à la recherche du « High Tree Sound System ». Tous étaient venus découvrir ce concert au concept original : des platines suspendues aux arbres. Mais sans autorisation, les organisateurs ont annulé l’événement, laissant le parc aux petites chorales de quartier perdues dans les 15 hectares de verdure. Pas assez original pour faire rester les déçus.

Plus à l’est, la place de la République n’est que l’ombre d’elle-même. L’année dernière, à la même heure, Deezer – site de streaming musical français – organisait un concert où s’étaient entassés près de 100 000 spectateurs au total entre l’après-midi et la soirée. Encore une fois faute d’autorisation, le concert géant n’a pas eu lieu et les bars ont dû s’organiser seuls.

Prendre les choses en main

Conscients que ni le jour de la semaine, ni le temps ne seraient en leur faveur, certains bars, et brasseries avaient pris leurs précautions. Si quelques-uns n’ont pas voulu choisir entre match de foot et concert, d’autres ont tout misé sur la musique. C’est le cas à  L’esplanade Saint-Eustache » où le gérant s’est occupé de faire venir un groupe de rock français – Libido – pour jouer sur le trottoir d’en face : « J’ai demandé l’autorisation à la préfecture en avance. Eux, ça les arrange, et nous, on est content d’avoir un groupe pour animer la soirée depuis l’extérieur. » Quelques mètres carrés, leurs instruments et une tente : c’est parti pour un concert qui durera plusieurs heures. Deux pas plus loin, le son plus électro du collectif Tribe retentit sur le même trottoir, de quoi faire perdre le rythme aux piétons.

Pourtant, c’est bien entre deux bars, dans les allées ou sur la route, que l’événement bat son plein. Fini la Fête de la musique comme on l’a connue, où les grands axes étaient bondés. Mardi soir, tout se passait dans les petites rues de Paris, pour le plus grand bonheur de certains habitués. Léa, 23 ans, venue avec son groupe d’amis, n’est pas déçue de sa soirée : « C’est vrai qu’il y a beaucoup moins de monde, mais on circule mieux comme ça et c’est plus agréable, on est moins oppressé. » Un avis partagé par Christian, résident du quartier Montorgueil qui apprécie l’ambiance mais se réjouit à la perspective que la Fête ne finisse pas trop tard : « Demain, au travail ! »