Henry Ramos Allup (à gauche), le président de l’Assemblée nationale vénézuélienne, reçoit José Luis Rodriguez Zapatero, l’ancien chef du gouvernement espagnol, à Caracas, le 19 mai. | MARCO BELLO / REUTERS

L’ancien chef du gouvernement socialiste espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, et deux ex-présidents latino-américains effectuent une médiation entre le président populiste du Venezuela, Nicolas Maduro, et l’opposition vénézuélienne, majoritaire à l’Assemblée nationale. Cette cohabitation inédite est conflictuelle. Les médiateurs tentent de relancer le dialogue entre les deux parties.

M. Zapatero a été le premier dignitaire étranger autorisé à rendre visite à l’opposant Leopoldo Lopez, incarcéré depuis plus de deux ans dans la prison militaire de Ramo Verde, à une heure de Caracas. Devant l’Organisation des Etats américains (OEA), M. Zapatero a prôné une issue négociée à la crise institutionnelle au Venezuela, mais n’a pas cité le référendum révocatoire demandé par l’opposition pour obliger M. Maduro, au pouvoir depuis 2013, à abroger son mandat.

Manifestations au Venezuela pour réclamer le départ du président
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Gagner du temps

La campagne pour obtenir les signatures nécessaires pour la tenue du référendum a eu un succès inattendu, même pour certaines figures de l’opposition. L’ancien candidat à la présidence, Henrique Capriles Radonski, le plus engagé dans cette voie, a fini par rallier les autres dirigeants de la Table de l’unité démocratique (MUD), la coalition hétéroclite des opposants, qui va de l’extrême gauche à la droite.

Le gouvernement Maduro refuse le référendum révocatoire, pourtant prévu par la Constitution. Il utilise le conseil national électoral et la Cour suprême, contrôlés par le régime, pour mettre des bâtons dans les roues aux opposants, qui se sont pliés à toutes les exigences constitutionnelles.

Les successeurs de l’ancien président Hugo Chavez (1999-2013) veulent gagner du temps. Si le référendum était repoussé à 2017, et si l’électorat votait la révocation de M. Maduro, son mandat serait complété par son vice-président, Aristobulo Isturiz, qui n’est pas élu mais désigné.

En revanche, un révocatoire avant la fin 2016 entraînerait immédiatement une nouvelle élection présidentielle. Le « noyau dur » chaviste ne dépasse plus 20 % de l’électorat. Une candidature unique de l’opposition, comme lors des scrutins précédents, aurait toutes les chances de l’emporter.

Soutiens minoritaires en Amérique latine

Le conseil permanent de l’OEA s’est saisi de la situation au Venezuela, jeudi 23 juin, en dépit de l’opposition du gouvernement Maduro. Le vote l’a montré, le soutien au régime chaviste est désormais minoritaire en Amérique latine et dans les Caraïbes, qui avaient jusqu’alors refusé de s’immiscer au nom de la non-ingérence dans les affaires d’un autre Etat.

Le secrétaire général de l’OEA, l’Uruguayen Luis Almagro, a invoqué la charte démocratique de l’OEA lors d’un rapport sur les violations des droits de l’homme et les entorses à l’état de droit commises au Venezuela. Il a demandé la libération des prisonniers politiques et soutenu le référendum révocatoire. Il s’est fait traiter de « putschiste » et insulter copieusement par M. Maduro. Luis Almagro avait été le ministre des relations extérieures du gouvernement de centre gauche présidé par José Mujica.

Lilian Tintori (au centre), l’épouse du chef de l’opposition vénézuélienne emprisonné, Leopoldo Lopez, lors d’une manifestation devant le siège de l’Organisation des Etats américains (OEA), à Caracas, le 23 juin. | JUAN BARRETO / AFP

Reprise du dialogue avec les Etats-Unis

En marge de l’assemblée générale annuelle de l’OEA, les Etats-Unis et le Venezuela ont repris langue, après plusieurs années d’affrontement verbal. Les Américains n’ont plus besoin du pétrole vénézuélien et s’intéressent peu à l’Amérique latine. Le dialogue entre Washington et Caracas contribue à baisser la tension dans la région, mais plane très au-dessus de la crise vécue au quotidien par les Vénézuéliens.

Hyperinflation, pénuries d’aliments et de médicaments, insécurité galopante, incertitude politique et vide de pouvoir, le Venezuela vit une descente aux enfers. La gabegie et la corruption ont transformé la manne pétrolière en appauvrissement général. Des pillages et des lynchages sporadiques témoignent d’une croissante exaspération populaire.

L’Assemblée nationale à majorité oppositionnelle a demandé une aide humanitaire internationale, ce qui a été qualifié d’abus de pouvoir par le gouvernement Maduro. Aucune médiation internationale ne parvient à soulager le sort des Vénézuéliens, livrés à eux-mêmes, pour le meilleur et pour le pire.