ATR veut produire une version « Neo » remotorisée de son ATR 72, à l’horizon 2020-2022. | PASCAL PAVANI / AFP

ATR a choisi de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Le constructeur d’avions à hélices, contrôlé à parité par l’européen Airbus et l’italien Finmeccanica, a été obligé de renvoyer aux calendes grecques son projet d’appareil de plus de 100 places. Airbus ne veut pas en entendre parler. Trop cher ! Environ 2 milliards d’euros. Pour ce dernier, la priorité n’est plus à la dépense. Au contraire, le groupe présidé par l’Allemand Tom Enders veut d’abord porter sa rentabilité à 10 % pour réduire l’écart avec son grand rival Boeing.

Faute de nouveaux projets, Patrick de Castelbajac, PDG d’ATR, a revu ses ambitions à la baisse. Il s’est lancé dans la modernisation de la production actuelle de son groupe. Un coup de jeune en deux étapes. Avec comme principal bénéficiaire l’ATR 72, un appareil de 78 sièges et vaisseau amiral de la flotte. D’abord, « l’objectif est de diminuer la consommation de l’avion de 15 % et de réduire ses frais de maintenance de 20 % », précise Laurence Rigolini, secrétaire générale d’ATR. Dans un second temps, pas avant « 2020, 2022 », l’avionneur veut produire une version « Neo », remotorisée de son ATR 72. Elle aussi bien moins gourmande en pétrole.

ATR tient absolument à conserver la réputation de sobriété de ses appareils. Pendant les années où les prix du pétrole étaient au plus haut, cet avantage lui a permis d’échapper à la faillite. Un ATR consomme moitié moins de carburant qu’un jet. Mais avec la chute des cours du brut, l’ATR est devenu moins compétitif. Ainsi, reconnaît la secrétaire générale :

« Depuis un an et demi avec un prix du carburant très bas nous ne sommes pas gâtés »

L’espoir renaît. « Depuis le début de l’année, le prix du pétrole est passé de 30 à 45 dollars, voire même à 50 dollars », constate la dirigeante.

77 % de part de marché sur les avions à hélices

Pour l’instant, ATR a su passer la crise sans trop d’encombres. Ses ventes n’ont pas souffert. En 2015, le groupe a même enregistré une année record avec 76 commandes et 88 livraisons. Pour 2016, l’avionneur fait preuve d’un optimisme mesuré. Il ne prévoit que « 90 livraisons et autant de commandes ». Avec trois ans de production dans son carnet de commandes, soit 260 appareils, ATR a le temps de voir venir. Sur le segment des avions à hélices, la filiale d’Airbus et de Finmeccanica est le leader incontesté avec 77 % de part de marché.

ATR fonde aussi beaucoup d’espoirs sur le marché indien.

Sans l’avouer directement, l’idée de l’avionneur est d’anticiper une remontée durable des cours du pétrole. Sans attendre, ATR a « mis en place une stratégie de redéploiement », indique Mme Rigolini. Il a ouvert un bureau à Pékin il y a un an. La Chine fait figure d’eldorado en puissance. Alors que les avions régionaux représentent 25 % de la flotte mondiale d’appareils, ils ne sont que 2,5 % dans l’ex-empire du milieu. « Un potentiel énorme », s’enthousiasme Mme Rigolini. ATR fonde aussi beaucoup d’espoirs sur le marché indien. Les compagnies du sous-continent pourraient être intéressées par des avions à hélices afin d’« alimenter leurs hubs régionaux », estime la secrétaire générale. Il y aurait déjà « de gros contrats en discussion ».

Outre la Chine et l’Inde, ce sont les Etats-Unis qui pourraient stimulter les ventes d’ATR. La flotte d’avions régionaux y est plus que vieillissante avec vingt-six ans de moyenne d’âge. ATR prévoit qu’il faudra y remplacer à moyen terme plus de 300 avions à hélices. Une manne d’importance pour l’avionneur, qui vend son ATR 72, au prix catalogue, à 27 millions de dollars (24,3 millions d’euros).