L’ONG Greenpeace a demandé mardi aux autorités congolaises « d’annuler immédiatement » trois contrats attribuant des concessions forestières à deux sociétés chinoises en violation d’un moratoire décrété en République démocratique du Congo (RDC) depuis 2002.

« Nous exigeons du gouvernement congolais [qu’il annule] immédiatement les trois contrats au profit de deux sociétés à capitaux chinois délivrés dans le secret et dans l’illégalité », a déclaré, lors d’un point de presse à Kinshasa, Irène Wabiba Betoko, responsable de la campagne Forêt à Greenpeace Afrique.

Dans un rapport publié mardi et intitulé « Comment la RDC a secrètement violé son propre moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions forestières », l’organisation écologiste accuse l’ex-ministre de l’environnement Bienvenu Liyota Ndjoli d’avoir attribué les trois concessions, mi-août 2015. Ces concessions attribuées à la Somifor et à la Fodeco détenues par des investisseurs chinois couvrent au total une superficie de 650 000 hectares.

Interrogé par l’AFP, M. Liyota a répliqué « qu’il n’existe aucune restriction légale » interdisant à un ministre congolais de l’environnement d’attribuer des concessions forestières, arguant que « les trois concessions n’étaient pas concernées par le moratoire ».

La RDC abrite plus de 60 % des forêts denses du bassin du Congo, deuxième massif forestier de la planète après l’Amazonie. Le pays possède ainsi la deuxième forêt tropicale primaire de la planète. En 2002, la RDC avait adopté le Code forestier, et décrété un moratoire dans l’attribution de nouvelles licences d’exploitation forestière industrielle, en vue de mettre de l’ordre dans le secteur.

Un processus de révision de la légalité des contrats détenus par des exploitants forestiers avait été lancé en 2005 avec le concours de la Banque mondiale et avait été clôturé en 2014, par la reconnaissance de quatre-vingt concessions.

Lors de ce point de presse mardi 12 juillet, Mme Betoko a fait savoir que Greenpeace « soupçonne » également l’actuel ministre congolais de l’environnement, Robert Bopolo, d’avoir « cautionné ces contrats illégaux » qui concernent des concessions forestières de trois provinces du nord du pays (Equateur, Tshuapa et Tshopo). Le ministre n’a pas souhaité réagir mardi à ces allégations.

Silence ministériel

Greenpeace a promis de « transmettre le dossier » au procureur général de la République pour lui permettre de mener des enquêtes. L’ONG invite également le gouvernement congolais à « s’assurer que les officiels impliqués dans l’illégalité soient punis ».

Début mars, M. Bopolo avait déclaré que les autorités congolaises envisageaient de rouvrir le dossier de la fin du moratoire dans l’intérêt financier de la RDC, qui fait face à l’effondrement de ses recettes provenant de l’exportation des minerais.

La RDC doit bénéficier au cours des prochaines années d’un ambitieux programme de conservation financé à hauteur de 200 millions de dollars par le Cafi (Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale), qui regroupe plusieurs bailleurs bilatéraux dont la France et l’Union européenne. Si ce programme prévoit une possible levée du moratoire et l’attribution de nouvelles concessions, celui stipule, souligne Greenpeace, que cela doit se faire dans des conditions définies par la loi. Et notamment par le biais d’un processus consultatif.