Pour la deuxième année consécutive, la polémique sur l’absence de Noirs dans les nominations pour les Oscars agite Hollywood. Mais cette fois, plusieurs célébrités – Spike Lee, Jada Pinkett (par ailleurs épouse de Will Smith), Michael Moore – ont annoncé leur intention de boycotter la cérémonie du 28 février à Los Angeles.

L’Académie des arts et des sciences du cinéma, l’instance qui représente l’industrie cinématographique et décerne les Oscars, est à 94 % blanche. Comme en 2015, sur les vingt acteurs nommés le 14 janvier, aucun n’est afro-américain. Les juges ont snobé Samuel L. Jackson, l’un des 8 Salopards de Quentin Tarantino, et Will Smith, le pathologiste du film Concussion, sur le football américain. Ils ont ignoré Michael B. Jordan, l’apprenti boxeur du film Creedquoiqu’ils aient retenu son mentor Sylvester « Rocky Balboa » Stallone.

Jason Mitchell lors de la cérémonie des AFI Awards à Los Angeles, le 8 janvier 2016. | JORDAN STRAUSS/INVISION/AP

Jason Mitchell, le gangsta rappeur de Straight Outta Compton, n’a pas non plus été sélectionné. Le film, qui raconte l’histoire du groupe de Los Angeles, NWA, est un succès commercial (160 millions de dollars – soit 146 millions d’euros de recettes). Il a obtenu une nomination dans la catégorie du meilleur scénario original, mais les spécialistes ont aussitôt fait remarquer que les scénaristes – Jonathan Herman et Andrea Berloff – sont blancs.

« Blancs comme neige »

Lundi 18 janvier, jour de commémoration nationale de Martin Luther King, Spike Lee a annoncé qu’il boycotterait la cérémonie de remise de ces Oscars « blancs comme neige ». Dans un texte sur Instagram, le réalisateur – dont le film sur la violence à Chicago, Chi-Raq, n’a pas été retenu non plus – remercie la profession pour l’Oscar honorifique qu’elle lui a attribué en novembre, avant d’ajouter : « Quarante acteurs blancs en deux ans et aucune couleur. Ne pouvons-nous pas agir ? » Dans une vidéo postée sur Facebook, l’actrice Jada Pinkett appelle, elle aussi, au boycottage. « Laissons l’académie décerner les Oscars avec grâce et amour. Et faisons les nôtres différemment. »

Spike Lee à New York en décembre 2015. | CHARLES SYKES/INVISION/AP

A la suite des critiques de 2015 contre la mise à l’écart de Selma, le film d’Ava DuVernay sur Martin Luther King, l’audience des Oscars avait baissé de 16 %. Cheryl Boone Isaacs, la présidente de l’Académie, elle-même afro-américaine, avait promis un renouvellement. Après la décision de Spike Lee, elle s’est déclarée « bouleversée » et « furieuse » de l’absence de diversité dans le choix de la profession.

Selon « Entertainment Weekly », il s’agit moins d’un problème de racisme que de culture et de génération

Selon Entertainment Weekly, il s’agit moins d’un problème de racisme que de culture et de génération. La plupart des votants n’ont pas vu Straight Outta Compton, affirme le magazine, par désintérêt pour le rap. La méthode de pondération des voix est aussi mise en cause. Elle désavantage les films qui ne sont pas placés en première position, même s’ils recueillent de nombreuses voix.

Dans une réaction au magazine Variety, l’acteur George Clooney a estimé que les Afro-Américains avaient « entièrement raison » de se plaindre que l’industrie « ne les représente pas suffisamment bien ». Attendu sur les écrans le 5 février pour Ave César !, des frères Coen, l’acteur s’est cependant gardé de se joindre au boycott. « Le problème n’est pas qui on désigne », mais le nombre de rôles offerts aux minorités, « en particulier pour des films de qualité ». Interrogé par le site The Wrap, le cinéaste Michael Moore, en revanche, a déclaré qu’il n’envisageait « ni d’aller à la cérémonie, ni de la regarder à la télévision, ni d’aller à une fête d’après-Oscars ».