L’archipel des Spratleys, revendiqué par la Chine au détriment des pays riverains | RITCHIE B. TONGO / AFP

Editorial La Chine devrait tirer des leçons intelligentes de sa condamnation cette semaine par un Tribunal international appelé à statuer sur les graves différends territoriaux qu’elle entretient avec nombre de ses voisins en mer de Chine ­méridionale. A la place, elle met en garde les Etats-Unis contre une menace de guerre dans la région. Elle se trompe. Pour l’heure, c’est moins un risque de conflit armé ­direct qui est en cause qu’une détérioration continue de son image en Asie et dans l’ensemble de ce Sud émergent dont elle se veut le « leader ».

Après tout, la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, qui a rendu, mardi 12 juillet, un jugement entièrement défavorable à la Chine dans le conflit qui l’oppose aux Philippines, fait partie du système des Nations unies. La Chine se dit attachée à cette seule source de légitimité internationale qu’est l’ONU. Elle entend être le porte-parole des « petits » en cette enceinte. La Chine assure ne pas vouloir se comporter comme les autres grandes puissances, qu’elle accuse d’avoir historiquement abusé de leur pouvoir.

Des eaux riches en poissons et hydrocarbures

Mais le jugement unanime des magistrats de La Haye est clair comme du cristal de Baccarat : la Chine abuse de sa puissance en mer de Chine ; elle ne respecte pas le droit de la mer ; elle enfreint les droits souverains des Philippines. Les Etats-Unis sont mal à l’aise, il est vrai : ils n’ont jamais ratifié la convention de l’ONU sur le droit de la mer.

Manille a saisi le tribunal en 2013. Les Philippins contestent une ligne en neuf points tracée par les Chinois en mer de Chine méridionale par laquelle ils s’octroient la souveraineté sur 90 % de cette vaste étendue aquatique. Ce n’est pas une petite affaire. Une bonne partie du commerce mondial passe en ces eaux, riches en poissons et peut-être en hydrocarbures. Depuis des siècles, pêcheurs philippins, vietnamiens, malaisiens, de Brunei et d’Indonésie cabotent alentour. Ils y sont plus près de leurs côtes que les Chinois. Cela fait des années que leurs pays revendiquent une part de souveraineté sur ces lieux et notamment sur deux archipels d’îles, d’îlots et de rochers – les Spartleys et les Paracels.

La Chine contribue à la montée des tensions militaires dans une zone où nombre des pays sont des alliés des Etats-Unis

La Chine fait valoir des « droits historiques » remontant au XIIIe siècle, et que consignerait une carte établie par le gouvernement nationaliste chinois en 1947. Elle veut bien discuter avec ses voisins de la mer de Chine du Sud, mais pas à l’ONU, uniquement en « bilatéral » – ce qui place chacun de ces pays en situation d’infériorité face au géant chinois.

La Chine est assez sûre d’elle pour s’imposer par la force. Elle « poldérise » et militarise ces îlots, les transformant en bases militaires, navales et aériennes. Elle sait que les marines des pays riverains ne font pas le poids. Elle n’ignore pas non plus que l’avenir économique de ces pays dépend d’elle. Elle a rejeté à l’avance la compétence de la Cour de La Haye. En position de superpuissance régionale, elle dicte sa loi.

Ce faisant, la Chine commet deux erreurs. Elle mine sa prétention à être une superpuissance dont l’émergence se ferait « en douceur », respectueuse des normes internationales. Elle contribue à la montée des tensions militaires dans une zone où nombre des pays avec lesquels elle est en conflit sont des alliés des Etats-Unis. Elle est la source de la course aux armements en cours dans une région qu’elle déstabilise de facto. Le contraire de ce qu’elle dit rechercher.