Francois Hollande et Manuel Valls, le 16 juillet à Paris. | MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

Le gouvernement a-t-il cafouillé dans sa communication sur les événements de Nice ? Les enquêteurs sont restés très prudents sur les motivations qui ont poussé Mohamed Lahouaiej Bouhlel à mener une attaque avec un camion, jeudi 14 juillet, à 22 h 45, sur la promenade des Anglais, et le restent encore, malgré la revendication de l’attentat par l’organisation Etat islamique. Mais le pouvoir, rapidement, a fait son choix.

  • Vendredi 15 juillet, 3 h 45. « C’est toute la France qui est sous la menace du terrorisme islamiste » (François Hollande)

François Hollande prend la parole pour la première fois, quelques heures seulement après le drame. Le président de la République évoque « une attaque dont le caractère terroriste ne peut être nié ». Mais surtout, il ajoute : « C’est toute la France qui est sous la menace du terrorisme islamiste. »

François Hollande : « le caractère terroriste de l’attaque au camion ne peut être nié »
Durée : 03:47

Deux heures auparavant, comme elle en a la possibilité, la section antiterroriste du parquet de Paris, qui a compétence nationale, s’était saisie des faits, et avait ouvert une enquête pour « assassinats en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». A ce stade, aucun élément n’est connu sur l’auteur des faits, et des liens éventuels avec la mouvance islamiste ou djihadiste.

Lors de sa conférence de presse dans la journée de vendredi, le procureur de Paris, François Molins, assure toujours que le tueur est « totalement inconnu » des services de renseignement.

  • Vendredi soir, journal de 20 heures de France 2 : « C’est un terroriste sans doute lié à l’islamisme radical » (Manuel Valls)

Pourtant, un peu moins de vingt-quatre heures après les faits, sur le plateau du journal télévisé de France 2, Manuel Valls affirme à propos du conducteur du camion que « c’est un terroriste sans doute lié à l’islamisme radical », sans donner plus de détails, et se montre donc moins définitif que le chef de l’Etat durant la nuit.

  • Vendredi soir, journal de 20 heures de TF1 : « Est-ce que ce soir, vous êtes en mesure de nous dire qu’il est lié à l’islam radical ? – Non » (Bernard Cazeneuve)

Au même moment, sur TF1, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, se montre, lui, encore plus prudent. A la question « Est-ce que ce soir vous êtes en mesure de nous dire qu’il est lié à l’islam radical ? », M. Cazeneuve a répondu « non », laissant penser que le chef de l’Etat et le premier ministre ne disposent d’aucun élément concret à l’appui de leurs affirmations. « Nous avons un individu qui n’était pas du tout connu des services de renseignement pour des activités liées à l’islamisme radical, qui n’était pas fiché S », explique-t-il.

  • Samedi, 13 h30 : M. Cazeneuve évoque un individu qui s’est « radicalisé rapidement »

Finalement, samedi, alors que des gardes à vue en lien avec l’enquête sont en cours, et après la revendication de l’attaque par l’Etat islamique, Bernard Cazeneuve explique, à la sortie d’une réunion à l’Elysée, qu’« il semble » que l’auteur de l’attentat de Nice se soit « radicalisé très rapidement » et évoque « un attentat d’un type nouveau » qui « montre l’extrême difficulté de la lutte antiterroriste ».

Attentat de Nice : le terroriste se serait « radicalisé très rapidement », selon Cazeneuve
Durée : 02:40

  • François Hollande et Manuel Valls ont-ils été imprudents ?

Selon les informations du Monde, ce sont les témoignages recueillis par les enquêteurs pendant les gardes à vue qui permettent d’en attester. Or, les cinq gardes à vue dans l’entourage de Mohamed Lahouaiej Bouhlel n’ont débuté que vendredi à 11 heures (sa femme). Un autre de ses contacts a été entendu dans la journée de vendredi également, et les trois autres samedi matin. Les déclarations des deux têtes de l’exécutif constituaient donc forcément une forme de pari sur l’avenir d’une enquête qui n’en était qu’à ses balbutiements…

La polémique déclenchée a en tout cas irrité à Matignon, où le conseiller communication du premier ministre, Harold Hauzy, est sorti de sa discrétion habituelle sur Twitter pour assurer qu’il n’y avait « pas de divergence » entre M. Valls et M. Cazeneuve : « Cazeneuve se réfère au passé du terroriste, Valls, au mode opératoire. » M. Hauzy justifie également les propos du chef du gouvernement le vendredi soir… par une information publiée seulement samedi matin par les médias du groupe Etat islamique : « Enfin l’EI l’a revendiqué. »

Les tweets de Harold Hauzy. | Twitter