Le discours d’acceptation de Donald Trump devrait être le clou de la convention, à moins que le candidat n’en décide autrement. | MARIO ANZUONI / REUTERS

Les conventions du Parti républicain et du Parti démocrate sont des grands shows politiques qui reviennent tous les quatre ans. Cette année, la convention républicaine, du 18 au 21 juillet, à Cleveland (Ohio), va se dérouler dans un climat politique tendu.

Au cours de la convention, les délégués, les élus du Parti seront appelés à voter, Etat par Etat, et à désigner officiellement le candidat à l’élection présidentielle. Ils avaliseront également le choix de Mike Pence, choisi par Donald Trump pour être son colistier. Mais elle sera aussi ponctuée de discours – notamment ceux de la famille Trump au complet, ou presque –, qui durent généralement plusieurs heures et au cours desquels les délégués doivent voter sur la base du résultat des élections primaires, closes début juin.

Jean-Christian Vinel, de l’université Paris-Diderot, spécialiste de l’histoire sociale et politique des Etats-Unis, au sein du laboratoire de recherches sur les cultures anglophones (CNRS UMR 8225), explique le rôle de ces grands rendez-vous politiques.

A quoi sert une convention ?

La convention représente un moment très important dans la vie des partis, qui sont des organisations structurées de manière différente de ce qu’on connaît en Europe. C’est le moment où, tous les quatre ans, les milliers de « delegates » républicains (et plus tard les démocrates) se retrouvent, choisissent les règles de procédure qui vont présider à la convention et adoptent le programme du parti.

La convention met un terme aux primaires et permet aux républicains (et démocrates) de se rallier derrière leur candidat pour le sprint final, avant l’élection de novembre. Il y a parfois des surprises, comme l’investiture de Barry Goldwater en 1964 au grand dam de Nelson Rockefeller.

Quel est l’enjeu de ce rendez-vous chez les républicains ?

Ce qui compte cette année, chez les républicains, c’est l’unité derrière Donald Trump : de nombreux républicains sont mécontents de ce choix. Mais les velléités de faire élire quelqu’un d’autre au cours de la convention sont trop peu nombreuses et n’ont que peu de chances d’aboutir. Il faudra néanmoins prêter attention aux signaux d’unité qui seront affichés et considérer que cette unité est très fragile.

Le choix des orateurs est toujours significatif : pour tout homme ou femme politique, un discours lors de la convention du Parti est une manière de lancer ou d’accélérer une carrière, ou encore d’apporter un soutien de poids au candidat, comme Bill Clinton lors de la convention démocrate de 2012.

A Cleveland, George H. W. Bush et George W. Bush, les deux anciens présidents républicains encore en vie, ne seront pas là. Pas plus que Jeb Bush et Marco Rubio, battus pendant les primaires, ou John McCain et Mitt Romney, les deux derniers candidats républicains de 2008 et 2012. Est-ce que cela est de nature à compliquer la tâche de M. Trump ?

Cette année, plusieurs figures importantes du parti ont effectivement refusé d’y participer. Même si l’on y retrouve des poids lourds du parti, comme Ted Cruz, le sénateur du Texas, ou Scott Walker, le gouverneur du Wisconsin, la convention sera différente, révélatrice des relations entre Donald Trump et le Parti.

Pour les républicains, le candidat naturel était Jeb Bush. Et pour expliquer l’ascension de Donald Trump, il faut considérer les concours de circonstances qui ont joué en sa faveur. Au début des primaires, personne ne l’a vraiment pris au sérieux, et les républicains ont ensuite trop tardé à comprendre que Jeb Bush, candidat extrêmement bien financé, ne serait pas à la hauteur.

La convention met un terme aux primaires et permet aux républicains (et démocrates) de se rallier derrière leur candidat pour le sprint final avant l’élection de novembre. | JEFF SWENSEN / AFP

Enfin, il ne faut pas oublier que Marco Rubio a plombé sa candidature lors d’un débat télévisé au cours duquel Chris Christie l’a ridiculisé. Tous ces éléments ont joué dans l’ascension de Trump.

On a le sentiment que si le Parti républicain s’était rallié plus rapidement à un candidat, Donald Trump aurait eu plus de difficultés à poursuivre son ascension. Mais le Parti a décidé de soutenir Trump, quitte à perdre avec lui, plutôt que de se déchirer au cours de cette convention.

On verra, à Cleveland, si Trump a réussi à rallier à sa cause un certain nombre d’acteurs clés du Parti républicain dont il disait, il y a encore peu, que c’était le Parti républicain et pas le Parti conservateur. Pour ceux qui pensent que le Parti républicain doit rester l’habitat privilégié du conservatisme que Ronald Reagan incarnait, mélange de libéralisme économique et de défense des valeurs morales, cette distinction pose problème.

Le discours d’acceptation de Donald Trump devrait être le clou de la convention, à moins que le candidat n’en décide autrement. Sur quoi est-il attendu ?

Le candidat du Parti républicain est plutôt un candidat populiste, qui défend une Amérique refermée sur elle-même et manie les thèmes de la question raciale et de l’immigration de manière brutale.

Si on cherchait un antécédent à Trump, on pourrait remonter à Ross Perrot, en 1992 : un milliardaire qui fait campagne contre les traités de libre-échange, qui dit défendre l’Amérique, les travailleurs américains. Ou encore George Wallace, qui, dans les années 1960, avait connu un certain succès auprès des ouvriers – dans le Nord comme dans le Sud – en faisant campagne au nom de l’Amérique populaire contre les élites démocrates et leurs projets d’intégration raciale.

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La classe ouvrière blanche, notamment, les hommes, vote massivement pour les républicains depuis la fin des années 1960. Les républicains ont, quant à eux, toujours défendu les politiques néolibérales en disant qu’elles profitent au plus grand nombre.

Cependant, avec Donald Trump, une partie de l’Amérique populaire, y compris la classe ouvrière blanche, rappelle au Parti républicain que ces politiques ont creusé les inégalités et fragilisé de nombreux Américains. Trump a ainsi montré toutes les limites du discours conservateur mobilisant piété et liberté économique.

Le paradoxe, bien sûr, est que ce soit un milliardaire qui incarne cette anxiété à droite, et qu’il le fasse en stigmatisant l’immigration autant qu’en dénonçant les traités de libre-échange.