La ville de Port Talbot, dans le sud du pays de Galles, dominé par l’usine de sidérurgie de l’indien Tata Steel. La région s’est prononcé en faveur du Brexit. | PAUL ELLIS / AFP

C’était à prévoir. Mardi 19 juillet, le Fonds monétaire international (FMI) a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour l’économie mondiale. En cause, notamment : la victoire du « Leave » au référendum du 23 juin sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

« Les résultats du référendum britannique, qui ont pris de court les marchés financiers mondiaux, représentent la matérialisation d’un considérable risque baissier pour l’économie mondiale », souligne l’institution de Washington dans la mise à jour de ses « perspectives de l’économie mondiale ». « Cette incertitude devrait porter atteinte à la confiance et à l’investissement, y compris par ses retombées sur la situation financière et, de manière plus générale, sur le climat des marchés. »

« Le Brexit a jeté un grain de sable » dans la mécanique de la reprise mondiale, a commenté Maury Obstfeld, économiste en chef du FMI, lors de son discours de présentation des perspectives. Sans cet événement, l’institution aurait probablement revu ses prévisions à la hausse…

  • L’Union européenne en première ligne

Dans le détail, l’économie mondiale devrait croître de 3,1 % en 2016 et 3,4 % en 2017, contre 3,2 % et 3,5 % estimés en avril. « Les économies du Royaume-Uni et de l’Europe seront les plus affectées par les résultats du référendum du 23 juin », explique le FMI.

Le PIB allemand sera plus affecté que celui de la France. La croissance tricolore ne perdra que 0,1 point en 2017

De fait, la croissance britannique devrait tomber à 1,7 % en 2016 et 1,3 % en 2017, contre 1,9 % et 2,2 % estimés en avril. Le Brexit et les autres incertitudes pesant sur l’activité amputeront le produit intérieur brut de la zone euro de 0,2 point en 2017. Il progressera ainsi de 1,4 %, après 1,6 % en 2016. Le PIB allemand sera plus affecté que celui de la France : il devrait augmenter de 1,2 % en 2017, contre 1,6 % prévus en avril, tandis que la croissance tricolore ne perdra que 0,1 point en 2017, passant à 1,2 %, après 1,5 % en 2016.

Selon le FMI, l’impact du Brexit serait « relativement négligeable ailleurs, y compris aux Etats-Unis et en Chine ». L’économie américaine devrait croître de 2,2 % en 2016 et 2,5 % en 2017, et celle de la Chine, de 6,6 % et 6,2 %. Les économies émergentes et en développement devraient quant à elles progresser de 4,1 % en 2016 et 4,6 % en 2017 : là aussi, le Brexit n’aurait pas d’impact.

La présidente du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, le 18 juillet lors d’un discours à la Réserve fédérale de New York. | Drew Angerer / AFP

  • Plusieurs scénarios baissiers liés au Brexit

Les économistes de l’institution se montrent néanmoins très prudents. « L’issue du Brexit restant à définir, l’incertitude est telle qu’elle complique la tâche déjà difficile de la prévision macroéconomique », expliquent-ils dans le rapport. Leur scénario central « s’appuie sur l’hypothèse favorable d’une diminution progressive des incertitudes, d’un accord entre l’Union européenne et le Royaume-Uni sans augmentation sensible des barrières économiques, de l’absence de perturbations majeures sur les marchés financiers et du caractère limité des retombées politiques du référendum ».

Mais d’autres scénarios sont possibles. Le FMI en définit deux. Dans le premier, dit « baissier », les incertitudes se prolongeraient, et la confiance se dégraderait plus que dans le scénario central. Dans ce cas, la croissance mondiale serait non plus de 3,1 % en 2016 et 3,4 % en 2017, mais de 2,9 % et 3,1 %.

Dans le scénario dit « dégradé », une grande part des services financiers britanniques se relocaliserait en zone euro et la Grande-Bretagne plongerait en récession

De leur côté, les pays avancés enregistreraient un PIB en hausse de 1,5 % en 2016 et 2017, contre 1,8 % les deux années dans le scénario central. Cette fois, les pays émergents et en développement seraient eux aussi affectés. Leur PIB perdrait 0,1 point en 2016, pour tomber à 4 %, et 0,2 point en 2017, à 4,4 %.

Dans le scénario dit « dégradé », plus sombre mais moins probable, le Royaume-Uni et l’Union européenne échoueraient à définir de nouveaux accords commerciaux de libre-échange. Une grande part des services financiers britanniques se relocaliserait en zone euro, et la Grande-Bretagne plongerait en récession. Dans ce cas, l’impact sur les économies serait plus profond. La croissance mondiale tomberait à 2,8 % en 2016 et 2017, celle des pays avancés à 1,4 % en 2016 et 1 % en 2017, et celle des pays émergents à 3,9 % en 2016 et 4,2 % en 2017.

  • De nombreux autres risques pèsent sur l’économie mondiale

Mais le Brexit n’est pas le seul risque baissier pesant sur la reprise. Les autres sujets d’inquiétude sont nombreux, et la liste que l’institution en donne fait froid dans le dos. « Le choc du Brexit se produit alors que le système bancaire européen, et notamment les établissements portugais et italiens, n’ont pas corrigé les séquelles de la crise », explique-t-elle.

De nombreux pays émergents doivent encore faire face à la baisse des cours des matières premières et au ralentissement chinois, tandis que « le basculement vers des politiques protectionnistes constitue en outre une menace évidente ». Mais les risques sont aussi de nature géopolitique, comme les tensions au Moyen-Orient.

Enfin, ajoute le fonds, « les divisions politiques au sein des pays avancés peuvent nuire aux efforts visant à corriger les problèmes structurels de longue date et le problème des réfugiés ».

  • Un indispensable soutien à la demande pour relancer la croissance

Face à cela, les pouvoirs publics peuvent néanmoins agir. Les banques centrales ont fait leur part du travail pour stabiliser les marchés après le Brexit. C’est maintenant aux dirigeants politiques européens et britanniques d’agir pour lever les incertitudes, souligne le FMI. Mais également pour soutenir l’activité.

« Face à ces défis, il demeure essentiel de combiner les mesures d’accompagnement de la demande à court terme et les réformes structurelles propres à redynamiser la croissance à moyen terme », détaillent les économistes de l’institution. Comprendre : augmenter l’investissement et les dépenses publiques là où les marges de manœuvre budgétaire le permettent, comme en Allemagne. Mais aussi poursuivre les mesures pour stabiliser le secteur financier et bancaire, toujours fragile, en particulier dans la zone euro.

Enfin, le FMI appelle les gouvernements à se tenir prêts à agir de façon concertée dans le cas où un nouvel essoufflement de la croissance mondiale l’exigerait.