Il y a deux façons d’interpréter l’article publié en ligne lundi 18 juillet par l’Association internationale pour l’étude scientifique de la population, intitulé « En France, les secondes unions sont devenues plus stables que les premières ». L’une, pessimiste, est que le premier amour dure, de plus en plus rarement, toujours. L’autre, optimiste, est qu’une première rupture conjugale n’empêche pas de refaire sa vie, au contraire. La démographe Eva Beaujouan, spécialiste de la fécondité et du couple en Europe, a analysé les trajectoires de 4 464 femmes âgées de 25 à 70 ans, interrogées dans l’enquête « Etude des relations familiales et intergénérationnelles », réalisée en 2005 par l’Institut national d’études démographiques (INED), en partenariat avec l’Insee, qui permet l’analyse sur un temps long.

« Les secondes unions étaient auparavant plus fragiles que les premières unions, notamment en raison de la présence d’enfants issus du premier mariage, dont le rôle dans les séparations a été démontré, explique la chercheuse, qui a publié une analyse détaillée sur le sujet en mai, dans la Revue européenne de démographie. Mais les premières unions évoluent et se défont plus rapidement. J’ai voulu vérifier que les caractéristiques des secondes unions n’étaient pas aussi en train de changer. »

Pour cela, trois cohortes ont été étudiées. La première est composée de femmes qui ont été mariées ou sont entrées en concubinage entre 1965 et 1979, la deuxième cohorte entre 1980 et 1989, et la troisième entre 1990 et 1999. Résultat : la durée des secondes unions est devenue comparable à celle des premières.

« Les personnes profitent de leur expérience »

Dans la première cohorte, les deuxièmes unions avaient deux fois plus de chance d’être rompues au bout de 10 ans que les premières (23 % contre 11 %). Dans la dernière cohorte, les taux étaient équivalents : environ un tiers des premières et des secondes unions n’existaient plus au bout de 10 ans. « Quand on observe les couples aux caractéristiques comparables, par exemple mariés ou concubins, ou ayant conçu des enfants ensemble ou non, les secondes unions apparaissent même plus stables, complète Mme Beaujouan. On peut supposer que les personnes profitent de leur expérience. » Les difficultés d’organisation liées à la présence d’enfants nés d’un premier lit continue malgré tout d’augmenter le risque de séparation.

Les modes de vie ont changé. Alors qu’une mise en couple précoce et une union durable étaient autrefois la norme, les ruptures sont de plus en plus fréquentes. « L’allongement des études modifie les expériences, explique Mme Beaujouan. Les jeunes n’ont plus les mêmes attentes. Ils peuvent très bien vivre avec quelqu’un pendant la durée des études, et construire leur vie ensuite avec quelqu’un d’autre. » Les jeunes couples ne font pas forcément d’enfants, ce qui accroît les chances de séparation. Les secondes unions deviennent plus banales.

« Les événements qui se déroulaient autrefois lors de la première mise en couple peuvent avoir désormais lieu lors de la deuxième », poursuit Mme Beaujouan. Les mariages y sont cependant moins fréquents – par méfiance envers une institution dont on a éprouvé les limites ? Mieux vaut par ailleurs ne pas multiplier les tentatives. Selon les travaux de la démographe, les troisièmes et quatrièmes unions continuent d’être plus périssables que les précédentes.

Mariages et pacs se portent bien

En France, 239 000 mariages ont été célébrés en 2015, contre 241 292 en 2014. Une légère baisse, qui concerne aussi bien les mariages entre hétérosexuels (cette baisse s’observe de manière quasi continue depuis 2000) que les mariages entre personnes de même sexe. Ceux-ci passent de 10 522 en 2014 à 8 000 en 2015, ce qui peut s’expliquer par le fait que, parmi les couples mariés en 2014, certains attendaient l’adoption de la loi sur le mariage pour tous. Ces chiffres ne doivent cependant pas occulter…