Dans la compétition planétaire à laquelle se livrent les services de streaming, les Etats-Unis, premier marché mondial pour les revenus, sont évidemment incontournables. Pour tous ses nouveaux services dont les offres dématérialisées viennent se substituer aux CD et disques d’antan, la course à la taille constitue un enjeu essentiel. Au premier semestre, le streaming a progressé de 58 % aux Etats-Unis, pour atteindre 114 milliards d’écoutes musicales.

Mardi 19 juillet, Hans-Holger Albrecht, le patron allemand de Deezer, la première société française de streaming, a donc décidé de passer à la vitesse supérieure outre-Atlantique. Dans un entretien au Wall Street Journal, il a annoncé que l’offre premium de Deezer serait désormais accessible aux consommateurs américains, au prix de 10 dollars par mois, après une période d’essai gratuite de trente jours. Son application sera accessible sur les systèmes d’exploitation iOS, Google, Windows et sur le site Deezer. com.

Concurrencer Spotify sur les terres d’Apple

Cela veut dire que la société, dont le siège social est à Paris, se sent suffisamment forte pour affronter le suédois Spotify, présent sur le sol américain depuis 2011, ou encore Apple, qui a lancé son service d’écoute en ligne il y a un an. Sans oublier la concurrence de YouTube, le premier site mondial de vidéos musicales gratuites.

Outre-Atlantique, les services de streaming doivent aussi affronter la concurrence des radios musicales numériques, sur le modèle de Pandora, très puissantes, qui ont 80 millions d’utilisateurs gratuits par mois.

Aujourd’hui, Deezer revendique 6 millions d’abonnés payants dans 180 pays, contre 35 millions pour Spotify, 15 millions pour Apple et 4,2 millions pour Tidal, le service de streaming lancé par la star du rap Jay Z. La société française est détenue depuis juin à plus de 50 % par Access Industries, le fonds d’investissement du milliardaire américain Len Blavatnik, également propriétaire de la major Warner Music. Son deuxième actionnaire est Orange, l’opérateur télécoms.

Aux Etats-Unis, le service français était déjà présent de deux manières. Il a conclu des accords avec les sociétés Sonos et Bose pour diffuser des abonnements haut de gamme, avec la qualité de son équivalent aux CD, à 20 dollars, qui ont conquis une centaine de milliers de clients. De même, il est présent à l’autre bout de la chaîne, pour les abonnements musicaux à petit prix sur les cartes prépayées avec l’opérateur AT&T. Or à l’échelle planétaire, 80 % des téléphones utilisés fonctionnent sur ce modèle, d’où l’intérêt de maîtriser ce savoir-faire.

Un nouveau cap franchi

En rendant accessible son offre premium classique, Deezer complète son dispositif initial. Prédécesseur de M. Albrecht, Axel Dauchez avait élaboré une stratégie mondiale de développement qui contournait les Etats-Unis. Cette fois-ci, un nouveau cap est franchi.

Mais Deezer ne communique pas sur le montant des investissements nécessaires. Selon plusieurs sources, Spotify aurait de son côté dépensé plus de 200 millions de dollars (181,6 millions d’euros) pour assurer son implantation aux Etats-Unis. Cet investissement a aussi permis de populariser le streaming comme modèle d’écoute de la musique. Pour pénétrer le territoire américain, le service français mise quant à lui sur la qualité de son offre, de 40 millions de titres, qui est plus large que celle de ses concurrents.

Pour l’instant, aucun des deux services européens de streaming ne gagne d’argent. En 2014, Deezer a perdu 27 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 142 millions. Mais après avoir renoncé à son introduction en Bourse, en octobre 2015, le service français a de nouveau réussi à lever 100 millions de dollars en janvier. Continuer à investir demeure essentiel pour vouloir rester dans le Top cinq des services de streaming mondiaux.