Rory McIlroy après avoir manqué un putt lors du British Open au Royal Troon, en Ecosse, le 16 juillet. | CRAIG BROUGH / REUTERS

Le bourdonnement n’est pas encore parvenu aux oreilles de Jason Day. Le numéro 1 du golf mondial a levé son fer et s’apprête à faire voler la petite balle blanche. La dernière fois que le golf avait été représenté aux Jeux olympiques, c’était à Saint Louis, aux Etats-Unis, en 1904. Paf ! La sphère n’a pas bougé. L’Australien a finalement lâché le manche de son club pour mieux écraser le moustique qui venait d’atterrir dans son cou. Cette image, vous ne la verrez pas aux Jeux de Rio, du 5 au 21 août.

Tout du moins pas avec Jason Day dans le rôle de l’acteur principal. Le golfeur n’ira pas aux JO et c’est la faute – officiellement – aux moustiques brésiliens. « C’est avec un profond regret que j’ai pris la décision de ne pas prendre part aux Jeux olympiques cet été, annonce-t-il le 28 juin. La principale raison concerne la possible transmission du virus Zika et le risque potentiel que cela peut présenter pour les futures grossesses de mon épouse et donc aux futurs membres de notre famille. » Le Brésil est le pays le plus touché au monde par le virus, avec 1,5 million de personnes contaminées depuis 2015.

Zika, le point sur l'épidémie
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L’Organisation mondiale de la santé s’était pourtant voulue rassurante fin mai : « Une annulation ou un changement de lieu des JO ne changerait pas de manière significative la propagation internationale du virus Zika. » Principalement parce qu’au mois d’août, en plein hiver austral, il y a moins de moustiques Aedes aegypti, vecteurs du virus. Rien à faire, Dustin Johnson (numéro 2 mondial) et Jordan Spieth (numéro 3) emboîtent le pas (de golfeur) du numéro 1 mondial : pas de JO pour eux non plus à cause du risque Zika. Les trois meilleurs joueurs du monde viennent ainsi allonger une longue liste de golfeurs forfaits pour Rio.

Mais la peur de Zika ne sévit pas uniquement chez les golfeurs. Le cycliste américain Tejay Van Garderen a, lui aussi, annoncé qu’il ne se rendrait pas à Rio afin de protéger la grossesse de sa femme. Le tennis se jouera sans Milos Raonic, John Isner, Dominic Thiem, Thomas Berdych, et Simona Halep. « Ne me parlez pas de ça parce que ça me rend fou, a réagi Yannick Noah après la victoire de l’équipe de France en quarts de finale de Coupe Davis, dimanche. Des gens attendent toute leur vie pour participer aux JO. Les professionnels qui arrivent et disent “je viens, je ne viens pas, je ne sais pas si j’ai des invitations, je ne sais pas si je vais dormir dans un 5 ou 6 étoiles, je ne sais pas s’il y aura une place pour ma meuf”… Ce n’est pas ça l’esprit olympique. Vous savez quoi ? Ceux qui ne veulent pas venir ne viennent pas. Et tant mieux ! »

McIlroy : « Je joue quatre fois les Jeux olympiques tous les ans »

Le golf fait pourtant son grand retour dans le programme olympique. Absent depuis 1904 et l’édition de Saint Louis aux Etats-Unis, il a été réintégré par le CIO en août 2009 en compagnie du rugby à 7. Désormais, le golf a deux éditions pour faire ses preuves avant de voir son cas réexaminé après les JO de 2020, à Tokyo. Mais ce qui semble être une aubaine à première vue ne l’est pas forcément pour les principaux acteurs du circuit.

« C’est une très bonne chose pour notre sport, déclarait calmement Rory McIlroy, numéro 4 mondial, avant le début de la centième édition de l’Open de France, à la fin de juin. Après, comme je dis souvent, je joue quatre fois les Jeux olympiques tous les ans (référence aux quatre tournois majeurs : Masters Augusta, US Open, British Open et US PGA). C’est pour ça que je joue et c’est pour ces tournois que je veux être reconnu. Le problème, c’est aussi le lieu. Avec le virus Zika, les joueurs n’ont pas envie de prendre de risques pour eux ou leur famille. J’espère être présent pour la prochaine édition à Tokyo et vivre à ce moment-là ma première expérience olympique. » Ce jour-là, le Nord-Irlandais justifiait moins son absence par la peur du virus que par un désintérêt pour la compétition.

Deux semaines plus tard, en Ecosse pour le 145e British Open, McIlroy s’agace carrément : « Je ne joue pas au golf pour le développement de ce sport et pour essayer de le rendre populaire. Je joue au golf pour gagner des championnats et des tournois majeurs. Soudainement, en arrivant à ce point, on me colle la responsabilité de développer le sport. Ce n’est pas pour cette raison que je joue. Je joue pour gagner, pas pour amener des golfeurs sur le terrain. » Déchaîné, il a continué d’enfoncer sa discipline : « Est-ce que je vais suivre malgré tout les Jeux de Rio à la télévision ? Probablement. Mais le golf ne sera pas un événement que je vais regarder. Je pense que je regarderai les épreuves d’athlétisme, de natation et de plongeon. En fait, les sports importants. » Dur.

« Un retard avec l’esprit olympique »

Le Français Grégory Bourdy, lui, sera bien à Rio. Et, s’il concède au Monde que son sport a « un retard avec l’esprit olympique », il s’en est fait « une priorité ». « Ça fait des années que je regarde les Jeux à la télé, que j’encourage les Français partout dans le monde. J’ai cette fibre olympique, patriotique, naturelle. Et les jeux sont l’événement ultime. » Zika ? « Je me suis beaucoup renseigné et forcément c’est préoccupant. Je comprends ceux qui déclinent les Jeux parce que leur femme est enceinte. Maintenant, on voyage beaucoup, on prend des risques et là, le risque n’est pas assez élevé face à l’importance de l’événement. » Le golfeur bordelais tente bien d’expliquer qu’après cent douze ans d’absence les JO ne peuvent pas devenir l’événement principal de la discipline du jour au lendemain. Mais l’incompréhension revient rapidement : « Ça restera un tournoi de qualité mais c’est vraiment très dommage que les meilleurs joueurs mondiaux ne soient pas là. Même si ce n’est pas une priorité, ça ne prend que quatre à six jours. Et la date est impeccable. Il n’y a pas de majeurs, ni avant ni après. »

Le retour du golf au programme olympique est donc loin de faire l’unanimité. Mais que les fans du green se rassurent. En 1988, après soixante-quatre ans d’absence, le tennis réapparaissait à Séoul. Sur les dix meilleurs joueurs du monde à l’époque, huit déclinent l’invitation (Mats Wilander, Ivan Lendl, Andre Agassi, Boris Becker, Kent Carlsson, Pat Cash, Yannick Noah et Jimmy Connors) pour différentes raisons. De leur côté, les femmes (comme les golfeuses cette année) avaient toutes répondu présent. Vingt-huit ans plus tard, les Djokovic, Nadal, Federer et Murray sont bien présents pour tenter de décrocher l’or olympique.