Le ministre de l’intérieur allemand, Thomas de Maizière, le 20 juillet, à Berlin. | MICHAEL KAPPELER/AP

Surtout, dissuader les Allemands de faire l’amalgame entre réfugiés et terroristes. Si possible ne pas parler d’« attentat ». Préférer « événement horrible », comme la chancelière Angela Merkel), voire « incident », comme le ministre de l’intérieur Thomas de Maizière. Moins de 48 heures après l’attaque, lundi 18 juillet, d’un train régional en Bavière par un jeune réfugié qui, muni d’une hache et d’un couteau, a grièvement blessé cinq personnes, la chancelière et son entourage se sont attachés à désamorcer la bombe politique.

C’est, en effet, l’un des pires scénarios pour les tenants de l’intégration des réfugiés qui s’est produit. Un jeune demandeur d’asile décrit par tous comme ouvert et sympathique, un jeune homme souriant qui se préparait à devenir apprenti-boulanger un an après son arrivée en Allemagne, un sunnite modéré qui se reconstruisait dans une famille d’accueil… Bref, un réfugié-modèle qui s’est radicalisé, apparemment en quelques jours et à l’insu de tous, au point de vouloir tuer des « mécréants » et prêter serment à l’organisation Etat islamique (EI).

Ce drame ébranle les certitudes du gouvernement qui publie régulièrement – et à l’unité près – le nombre d’islamistes jugés dangereux pour le pays (501 en juin) et pourrait retourner l’opinion contre Angela Merkel, qui a ouvert les portes de l’Allemagne aux réfugiés en 2015. La « Willkommenskultur » (« culture de l’accueil »), qui a déjà gravement pâti des agressions de femmes la nuit du 31 décembre 2015 par des Maghrébins, est de nouveau soumise à rude épreuve.

« Violence gratuite »

C’est d’autant plus le cas que les premiers éléments de l’enquête semblent indiquer que le jeune homme, enregistré comme Afghan par les fonctionnaires qui lui ont accordé une autorisation de séjour fin mars – neuf mois après son arrivée en Allemagne – est peut-être pakistanais. Une information qui, si elle était confirmée, poserait de sérieux doutes sur la maîtrise du processus d’accueil des réfugiés par les autorités.

D’où la prudence du gouvernement. Mercredi 20 juillet, Thomas de Maizière a parlé d’un « acte brutal de violence gratuite » commis par une « personne isolée ». Rien ne permet de dire que le jeune homme a obéi à un ordre de l’EI, a expliqué le ministre. Sans doute s’est-il senti « incité » par la propagande de l’organisation djihadiste.

On est « à la frontière entre la crise de folie meurtrière et le terrorisme » a jugé M. de Maizière. Refusant de considérer cet acte comme le premier attentat de l’EI sur le sol allemand, malgré la vidéo de revendication enregistrée par le jeune homme, le ministre a cité d’autres attaques qui avaient eu lieu en Allemagne. Mais, contrairement à celle de Wurtzbourg, aucune d’entre elles n’avait été revendiquée par l’EI.

« On ne peut pas dire qu’il n’y a aucun lien entre les réfugiés et le terrorisme mais le danger était élevé avant et il reste élevé, quelles que soient les questions liées aux réfugiés », a affirmé Thomas de Maizière. L’attaque « ne justifie pas qu’on discrédite un groupe de personnes dans son ensemble », résume Steffen Seibert, porte-parole du gouvernement.

En fait, c’est une fois de plus avec ses alliés de la CSU bavaroise qu’Angela Merkel risque d’avoir le plus de problèmes. Dès mardi, le ministre de l’intérieur de Bavière, Joachim Herrmann, a réclamé de fixer une « limite supérieure » au nombre de réfugiés que l’Allemagne accueille. M. de Maizière a préféré rappeler 12 mesures prises « aux niveaux national et européen » pour lutter contre le terrorisme et a confirmé que le projet de budget 2017 prévoit la création de nombreux postes de policiers supplémentaires.

Lire notre entretien avec Rolf Tophoven, expert en terrorisme : « Le danger, c’est que ces loups solitaires peuvent faire des émules »

Mais la crainte du gouvernement est que la société civile se détourne des réfugiés. Significativement, le ministre a lancé un appel aux volontaires qui épaulent les réfugiés, notamment les nombreux mineurs isolés : « Ne vous laissez pas décourager par l’incident de Wurtzbourg. (…) Continuez, s’il vous plaît », leur a-t-il dit, rappelant qu’une « bonne politique d’intégration est aussi une bonne politique de sécurité ».