Durant la gay pride de Jérusalem, le 21 juillet. | GALI TIBBON / AFP

Les organisateurs de la gay pride attendaient 10 000 personnes. Ils furent presque trois fois plus nombreux à défiler au centre de Jérusalem, jeudi 21 juillet. Cette participation est historique, dans cette ville bien plus conservatrice et pieuse que Tel Aviv, la véritable capitale de la communauté LGBT.

La surprise est d’autant plus grande que les jours précédant la marche avaient été consacrés aux préoccupations sécuritaires. Deux mille policiers mobilisés jusqu’aux toits des immeubles, des barrières tout le long du parcours pour empêcher une intrusion, des routes adjacentes coupées, des participants fouillés : un dispositif inédit avait été mis en place pour que le drame de la gay pride précédente ne se répète pas.

En 2015, une adolescente de 16 ans, Shira Banki, avait succombé à ses blessures après avoir été poignardée par un extrémiste ultra-orthodoxe. Yishai Shlissel avait déjà été condamné à douze ans de prison après avoir attaqué des participants à la gay pride de 2005. La police l’a de nouveau interrogé mercredi : il était soupçonné de préparer, depuis sa cellule, une attaque pendant la marche, en liaison avec l’un de ses frères. La police a procédé jeudi à l’interpellation de 30 individus suspectés de vouloir s’en prendre aux participants. Deux d’entre eux étaient en possession d’un couteau.

Le cortège s’est arrêté pour déposer des fleurs devant une grande photo de Shira Banki. De nombreuses personnes participaient pour la première fois à l’événément, par solidarité mais aussi en réaction aux récentes attaques contre les homosexuels, venues de la droite religieuse. Un défilé prévu la semaine dernière dans la ville de Beer Sheva a été annulé, officiellement en raison de menaces tangibles.

Le maire de Jérusalem boycotte la parade

Gay pride de Jérusalem, le 21 juillet | AMIR COHEN / REUTERS

Jeudi, près de 250 rabbins ultra-orthodoxes ont manifesté leur soutien, dans une lettre ouverte, en faveur de leur collègue, Yigal Levinstein, qui avait traité les homosexuels de « pervers ». Ce rabbin dirige une école de formation pour les conscrits sur le point de rejoindre l’armée, dans la colonie d’Eli, en Cisjordanie. « Il existe un mouvement insensé dont les membres ont abandonné la normalité de la vie, avait expliqué le rabbin lors d’une conférence à Jérusalem, le 13 juillet. Ce groupe rend le pays fou et a pénétré de toute sa puissance les forces armées, et personne n’ose ouvrir sa bouche et s’élever contre lui. »

Le responsable politique qui a concentré le courroux des manifestants est le maire de Jérusalem, Nir Barkat. Ce dernier a annoncé en début de semaine qu’il refusait de participer à la parade, afin de « ne pas heurter » les ultra-orthodoxes et le camp national-religieux. Devant la polémique, l’élu a précisé que la communauté LGBT avait le droit de manifester et qu’il comptait déposer une gerbe de fleurs à la mémoire de l’adolescente défunte. Jeudi, juste avant la marche, Nir Barkat a publié un nouveau communiqué, pour dire qu’il comprenait « la douleur et les critiques de ceux qui sont en désaccord » avec sa décision.

En revanche, plusieurs responsables politiques comme le travailliste Isaac Herzog ou le centriste Yair Lapid (Yesh Atid) ont fait le déplacement. Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a enregistré un message vidéo en anglais dans lequel il apporte un soutien sans ambiguïté à la communauté LGBT. « Aimer quelqu’un ne devrait jamais signifier vivre dans la peur et la terreur », a-t-il dit, en faisant référence à la tuerie d’Orlando ainsi qu’à l’organisation Etat islamique (EI), qui « précipite les homosexuels des toits des maisons ».