La ferme du hameau de la Reine, à Versailles, a été restaurée par la Fondation assistance aux animaux pour y installer une ferme pédagogique. | Jean-Pierre Dalbéra/CC BY 2.0 via Flick’r

Cruel paradoxe. Alors que ses finances affichent une santé insolente, la Fondation assistance aux animaux (FAA) trouve le moyen de s’attirer les foudres de la Cour des comptes. Dans un rapport rendu public jeudi 21 juillet, la haute juridiction formule des observations très sévères sur la gestion de cet organisme : pilotage budgétaire « défaillant », « contrôle interne inexistant », « situations de conflits d’intérêts »… Elle montre surtout qu’une partie significative des dons versés à la FAA ont servi à acquérir un imposant patrimoine immobilier, sans que cela soit dit explicitement lors des campagnes d’appel à la générosité du public. Une omission qui pourrait avoir comme conséquence le retrait de l’avantage fiscal octroyé à la Fondation.

La FAA est issue de la fusion, en 1976, de trois associations impliquées dans la défense des animaux maltraités ou abandonnés par leurs maîtres. Elle est devenue, il y a un peu plus de vingt-cinq ans, une fondation d’utilité publique – la première sur de telles thématiques. A l’heure actuelle, elle gère dix-huit établissements : refuges, dispensaires, ferme pédagogique, « maisons de retraite » – où sont principalement recueillis des chats et des chiens mais aussi des chinchillas, des furets, des lapins, des porcs et « d’autres animaux très divers », signale la Cour. La Fondation organise aussi des manifestations pour confier à d’autres personnes les « pensionnaires » qu’elle a pris sous aile et elle coopère avec la justice dans des enquêtes sur de mauvais traitements infligés à des animaux.

Près de 90 biens immobiliers

Mais il faut y ajouter une autre activité, sur laquelle la FAA s’est montrée beaucoup plus discrète : celle de bailleur. Fin 2014, elle possédait près de 90 biens immobiliers dont les trois quarts sont mis en location, par le biais d’agences. Le montant des loyers encaissés est loin d’être négligeable : un peu plus de 780 000 euros, il y a deux ans (soit une hausse de 48 % par rapport à 2011). Sur le principe, la Cour n’a pas d’objection à faire quant à « l’acquisition d’un immobilier de rapport » puisque celle-ci est « conforme au statut de la fondation ».

Mais il y a néanmoins un problème : « dans les appels à dons et legs », il n’est pas mentionné qu’une partie des ressources issues de la générosité du public (près du quart, selon le rapport) ont financé l’achat d’immeubles. Et permis, par ailleurs, « l’accumulation de réserves financières » très importantes : 52,8 millions d’euros fin 2014 (+ 45 % en quatre ans), soit « plus de cinq fois les dépenses courantes » de la FAA. Ce niveau est « éloigné des besoins réels de la Fondation », puisque sur la période 2011-2014, les établissements gérés n’ont pas connu de « développement significatif » ni bénéficié d’un « plan d’investissement ». Dès lors, conclut la Cour, « l’objectif véritable de la Fondation apparaît être (…) de pouvoir vivre à terme uniquement du revenu de son patrimoine ». Ce qu’elle s’est abstenue de préciser dans sa « stratégie de communication », au risque de délivrer « une information partielle et inexacte, susceptible d’induire en erreur le donateur ».

Un manque de transparence aggravé par « les défaillances constatées dans la construction du compte d’emploi des ressources ». Celui-ci ne permet pas de distinguer clairement l’usage qui est fait des dons « de celui de l’ensemble des ressources ».

Avantages fiscaux

Dans ces conditions, la Cour sort son gourdin et procède à une « déclaration de non-conformité des dépenses aux objectifs de l’appel à la générosité publique ». Une procédure qui donne la possibilité au ministère du budget « de suspendre de tout avantage fiscal les dons, legs et versements effectués ». Si une telle décision était prise, elle pourrait évidemment avoir des incidences préjudiciables pour les finances de la FAA.

D’autres reproches sont adressés à la Fondation, s’agissant – notamment – de sa gouvernance. La présidence a été assurée par Arlette-Laure Alessandri, « de l’origine jusqu’en 2005 », puis son fils a pris le relais, de 2005 à 2014, avant de devenir directeur adjoint puis directeur de la FAA – le fauteuil de président étant de nouveau occupé par Mme Alessandri. Le conseil d’administration est « insuffisamment informé », juge la Cour : plusieurs de ses membres ont « une connaissance très imparfaite (…) de la stratégie immobilière ». Quant aux représentants de l’Etat qui siègent dans cet organe, ils exercent une « influence limitée » et aucun d’entre eux ne semble avoir contesté « la trajectoire » de l’organisme.

Surtout, des administrateurs se trouvent « en situation ou en risque de conflit d’intérêts ». Quelques-uns ont logé ou permis à des proches de loger dans le patrimoine immobilier de la fondation – en particulier son ex-président. Un bien a été acquis auprès d’un membre de la famille d’un administrateur, pour un « prix supérieur de 15 % » à l’estimation de France Domaine.

Frais de déplacement

Enfin, « des dépenses sans lien avec l’objet social ou sans justificatifs suffisants ont été effectuées, en particulier pour financer des frais de déplacements ». Sont notamment épinglés 37 trajets accomplis vers la Corse par Mme Alessandri.

Il s’agit de « déplacements professionnels », objecte la présidence de la FAA dans sa réponse au rapport de la Cour. Au sujet des conflits d’intérêt, la Fondation souligne qu’il n’y a pas eu le moindre préjudice pour elle : les habitations louées l’ont été « au prix du marché », assure-t-elle. Sur sa « stratégie financière », elle soutient avoir agi « en bon gestionnaire », dans une optique « prudentielle » et en privilégiant « les meilleurs placements ». Ses choix visaient à renforcer le montant des réserves « afin de pallier l’aléa de la générosité des donateurs ». Mais elle « entend les recommandations de la Cour » et « s’engage à diffuser (…) des informations encore plus précises » en direction de ses donateurs.

Tout n’est pas sombre dans le rapport de la Cour des comptes. Celle-ci constate que les legs récoltés font l’objet d’une « gestion rigoureuse » et que la masse salariale est maîtrisée. Le personnel, lui, est « compétent », « motivé et attentif au bien-être des animaux ». Quant aux établissements, ils « sont propres » et les animaux y « sont bien traités ». Mais l’entretien des lieux, qualifié de « minimal », pourrait être amélioré. A une exception près : le refuge de Morainvilliers (Yvelines) qui « est particulièrement luxueux », avec des box de 60 mètres carrés pour les chiens, un « chauffage au sol dans les niches en bois », « un parasol » et un « bassin »