La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, le 22 juillet, en Chine. | Mark Schiefelbein / AP

La Cour de cassation doit se prononcer, vendredi 22 juillet en début d’après-midi, sur le pourvoi de Christine Lagarde contre son renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR). Le ministère public avait préconisé, le 1er juillet, son rejet. Si cet avis est suivi, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) devra répondre de « négligence » dans l’affaire de l’arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie, en 2008.

  • Pourquoi Christine Lagarde est-elle mise en cause ?

C’est en tant qu’ancienne ministre de l’économie de Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2011, que Christine Lagarde, mise en examen par la CJR pour « négligence » dans l’utilisation des fonds publics en août 2014, va devoir répondre de son rôle dans la mise en place d’un arbitrage privé entre Bernard Tapie et le Crédit lyonnais.

Poussée par l’Elysée, Mme Lagarde avait donné en 2007 son aval à la mise en place de cet arbitrage qui avait fini par accorder, en juillet 2008, 405 millions d’euros à l’homme d’affaires dans le cadre de son litige avec le Crédit lyonnais, lié à la vente d’Adidas – cette sentence arbitrale controversée a, depuis, été annulée.

Dans leur arrêt de renvoi, les magistrats de la CJR donnaient acte à Christine Lagarde d’être devenue ministre en juin 2007, alors que l’arbitrage se préparait déjà. Ils reconnaissaient aussi qu’elle n’avait pas de relation personnelle avec les protagonistes et qu’elle n’était pas intervenue dans le choix des trois arbitres, dont celui de Pierre Estoup, le plus controversé.

Mais ils estimaient que sa décision de tourner le dos à la justice ordinaire et d’entrer en arbitrage, en dépit de « l’avis contraire et répété de l’Agence des participations de l’Etat » (APE), était « malvenue » et avait été « mal préparée » et « mal encadrée ».

Placée sous son autorité, l’APE s’était montrée claire dès le 1er août 2007. Dans une note adressée Mme Lagarde, elle disait « déconseiller à la ministre la voie d’un arbitrage qui n’est justifiée ni du point de vue de l’Etat ni du point de vue du CDR [la structure chargée de gérer le passif du Crédit lyonnais] ».

Les magistrats ont notamment relevé que les explications « peu convaincantes, sinon affligeantes » de Christine Lagarde et son attitude face au dossier témoignaient « d’une précipitation et d’une légèreté constitutives de graves négligences de la part d’un ministre chargé de la conduite des affaires de l’Etat ».

Mme Lagarde a affirmé à plusieurs reprises avoir « toujours agi dans cette affaire dans l’intérêt de l’Etat et dans le respect de la loi ». « Il me semble maintenant que j’aurais dû être plus méfiante », a-t-elle affirmé aux juges le 23 mai 2013.

  • Que risque Christine Lagarde ?

Le délit de « négligence » dans l’utilisation des fonds publics peut être puni d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende.

C’est en décembre 2015 que la commission d’instruction de la CJR a décidé de renvoyer la directrice générale du FMI devant la formation de jugement de la CJR, seule habilitée à décider du sort judiciaire des ministres poursuivis pour des actes commis dans l’exercice de leurs fonctions. En septembre, le parquet avait pourtant requis un non-lieu en sa faveur.

Si le rejet de son pourvoi est confirmé vendredi, Christine Lagarde comparaîtra donc, à une date encore inconnue, devant six députés, six sénateurs et trois magistrats.

  • Peut-elle rester à la tête du FMI ?

La décision de la Cour de cassation intervient alors que la directrice générale du FMI vient d’entamer officiellement son second mandat à la tête de l’institution, le 5 juillet. Seule candidate en lice, elle avait été reconduite le 19 février pour un nouveau mandat de cinq ans.

Peu après l’annonce de son renvoi en procès devant la CJR en décembre 2015, le conseil d’administration du FMI lui avait témoigné sa « confiance » dans sa capacité à assurer sa mission. Le ministre des finances, Michel Sapin, avait rappelé depuis New York que Mme Lagarde était « présumée innocente » et pouvait rester à son poste.

  • Où en est-on dans les autres volets de l’affaire Tapie ?

Le 30 juin, la Cour de cassation a validé l’annulation de l’« arbitrage Tapie » de juillet 2008, rejetant le pourvoi du couple Tapie. Le 17 février 2015, la cour d’appel de Paris avait estimé que la sentence arbitrale prononcée en faveur de l’ancien patron de l’Olympique de Marseille était entachée de « fraude ». Les liens « anciens, étroits et répétés » entre Bernard Tapie, son avocat, Maurice Lantourne, et l’un des trois juges arbitres, Pierre Estoup, faisaient douter de l’impartialité de cette décision, selon les magistrats.

L’interminable affaire Tapie est toutefois loin d’être close, l’un des conseils de l’homme d’affaires ayant annoncé l’intention de se « battre » et de saisir la Cour européenne des droits de l’homme.

Un second pourvoi de M. Tapie, portant sur les 405 millions d’euros qu’il est supposé rembourser, est toujours pendant devant la Cour de cassation. En décembre 2015, M. Tapie, condamné par la cour d’appel de Paris à rendre les sommes perçues lors de l’arbitrage, avait placé l’ensemble de ses biens en procédure de sauvegarde.

Enfin, sur le plan pénal, les juges d’instruction ont notifié, le 23 juin, la fin de leurs investigations aux six personnes mises en examen, parmi lesquelles MM. Tapie, Lantourne et Estoup, poursuivis pour « escroquerie en bande organisée ».