Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, au siège de l’institution, à Francfort, jeudi 21 juillet | RALPH ORLOWSKI / REUTERS

Jeudi 21 juillet, la Banque centrale européenne (BCE) a tenu sa première réunion post-Brexit. Ceux qui, sur les marchés, espéraient de nouvelles mesures ont été déçus : l’institut de Francfort a laissé son taux directeur inchangé, à 0 %, et maintient comme prévu ses rachats de dettes publiques et privées à hauteur de 80 milliards d’euros par mois jusqu’en mars 2017. « Bonnes vacances et rendez-vous en septembre », note avec humour Johannes Gareis, chez Natixis. « La BCE a opté pour la prudence, tout en dressant un tableau plutôt rassurant de l’économie européenne », estime Patrice Gautry, chef économiste de l’Union bancaire privée.

Le Brexit, et après ?
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Mario Draghi, le président de l’institution, a salué la « résilience encourageante » dont les marchés ont fait preuve après le référendum britannique du 23 juin. Les incertitudes planant sur le futur statut du Royaume-Uni pénaliseront-elles la croissance de la zone euro ? Il y a un mois, l’Italien avait évoqué à Bruxelles un impact négatif de 0,3 % à 0,5 % cumulé sur trois ans.

Cette fois, il n’a pas voulu se prononcer : il est « trop tôt » pour évaluer « l’impact final » du Brexit sur l’économie, a-t-il insisté, ajoutant que cela dépendra beaucoup des négociations entre Bruxelles et Londres. « Nous n’avons pas encore les informations pour prendre une décision », a-t-il dit. Avant de préciser que la BCE en saurait plus en septembre, lorsque ses économistes auront révisé leurs prévisions de croissance.

Les banques italiennes suscitent l’inquiétude

Reste que, même si la conjoncture semble s’éclaircir, l’institut monétaire se tient prêt. En cas de nouveau coup de mou des prix et l’activité, « le conseil des gouverneurs agira en utilisant tous les instruments dans le cadre de son mandat », a une nouvelle fois martelé le banquier central. Alors que, le 29 juillet, l’Autorité bancaire européenne dévoilera le ­résultat de ses nouveaux tests de résistance bancaire, l’Italien a, là aussi, tenu des propos rassurant sur le secteur. La solvabilité des banques de la zone euro est « meilleure, si ce n’est bien meilleure qu’en 2009 », a-t-il indiqué. Désormais, celles-ci ont ­plutôt un problème de rentabilité. Comprendre : les établissements bancaires ont renforcé leurs fonds propres et ne risquent plus de faire faillite, mais leurs profits se sont tassés.

La Banca Monte dei Paschi di Siena a perdu près de 80 % de sa valeur boursière en six mois

En cause, notamment, le niveau élevé de « prêts non performants » dans certains pays, ces créances douteuses difficiles à recouvrer. C’est en particulier le cas en Italie. « Les banques de la Péninsule sont toujours lestées par 360 milliards d’euros de créances douteuses », résume Silvia Merler, spécialiste du sujet au think tank bruxellois Bruegel. Au total, celles-ci pèsent 20 % du produit intérieur brut.

Or, cela handicape sérieusement « la capacité des banques à prêter », a souligné M. Draghi. Tant qu’elles ne se sont pas débarrassées de leurs crédits douteux, celles-ci peinent en effet à accorder de nouveaux prêts aux ménages et aux entreprises. Et ce, en dépit de la spectaculaire baisse des taux d’intérêt permise par l’action de la BCE…

« Les banques italiennes sont aujourd’hui la principale source d’inquiétude en zone euro », résume Rémi Lelu de Brach, chez Quilvest Gestion.

Comment résoudre le problème ? Même si cela ne relève pas de son institution, le « Dottore » Draghi a évoqué plusieurs pistes. Comme, par exemple, la création d’un marché permettant de revendre les créances douteuses, afin que les banques puissent s’en délester. L’Italie y travaille, mais il reste encore beaucoup à faire. Autre piste :

« Un soutien public lorsque, dans des circonstances exceptionnelles, le marché des prêts non performants ne fonctionne pas correctement », a évoqué M. Draghi, lors de la conférence de presse.

En la matière, ce serait à la Commission européenne de définir quelles sont les règles à appliquer, et dans quelle mesure les exceptions sont possibles.

Ces déclarations interviennent alors que Rome est justement en train de négocier avec Bruxelles un éventuel plan de recapitalisation de son secteur bancaire, trop fragmenté, et particulièrement fragilisé par les années de récession. La Banca Monte dei Paschi di Siena (BMPS), banque la plus menacée dans le pays, a ainsi perdu près de 80 % de sa valeur boursière en six mois…

Poursuivre les réformes

Sans surprise, M. Draghi a, une fois de plus, conclu son discours en appelant les gouvernements à poursuivre les réformes structurelles susceptibles de favoriser la croissance et de réduire le chômage. S’il n’a pas laissé filtrer d’indication sur les prochaines mesures qu’il pourrait prendre, les analystes ont, comme à chaque réunion, traqué les indices parmi ses déclarations. « Par le passé, nous avons suffisamment fait preuve de notre capacité à adapter nos achats [de dettes] pour atteindre 80 milliards d’euros par mois », a ainsi glissé ce dernier.

Cela signifie-t-il que la BCE songe à assouplir les règles qu’elle s’est fixées pour ses rachats d’obligations publiques ? Qu’elle envisage de prolonger ceux-ci au-delà de mars 2017 ? Ou encore, d’ajouter de nouvelles catégories de titres à sa liste ? Les économistes ont tout l’été pour affiner leurs hypothèses. Rendez-vous est pris pour le 8 septembre, date de la prochaine réunion de l’institution…