Au moins 17 soldats maliens ont péri dans une attaque à Nampala, à 540 km de Bamako, près de la frontière mauritanienne mardi. Plus de 30 autres ont été blessés. Un hommage national s’est déroulé jeudi 21 juillet, à Ségou, dans le centre du pays, en présence du président, Ibrahim Boubacar Keïta.

Quinze des dix-sept dépouilles étaient installées dans des cercueils de bois blancs recouverts du drapeau malien. Une photo de chaque victime était sobrement posée sur une chaise. Le chef de l’Etat malien s’est recueilli devant chacune d’entre elles, avant de les décorer à titre posthume. C’est la première fois que trois jours de deuil national sont décrétés dans de telles circonstances.

Le visage serré, des militaires suaient à grosses gouttes sous un soleil de plomb, les cercueils de leurs frères d’armes sur les épaules. Les quinze cercueils ont défilé lentement devant l’assemblée avant d’être déposées sur des tables recouvertes d’un linceul blanc. Près d’un millier de personnes étaient présentes, silencieuses, dans l’enceinte du camp militaire. Le président, mais aussi le premier ministre et le représentant spécial de l’ONU au Mali ont fait le déplacement à Ségou, la capitale administrative dont dépend Nampala.

Soudain un cri déchire l’assistance, un militaire s’effondre : « Ça ne peut pas continuer ainsi, ça suffit, ça suffit », s’époumone-t-il avant d’être écarté par les services de sécurité. Léger flottement.

« Une claque, une humiliation »

Après « la débandade » de Nampala, le gouvernement a verrouillé toute la communication liée à cette affaire. La presse a interdiction de s’approcher des familles des victimes.

« On a d’abord entendu des rumeurs de combats à Nampala… puis la nouvelle s’est répandue. Mais il a fallu attendre presque une journée pour que je sois sûr… sûr que mon mari est mort », murmure tout de même Awa*, avant d’être interrompue. Drapée dans son élégant boubou jaune et or, elle se mure dans le silence sous le regard courroucé d’un soldat, alors que l’éloge funèbre commence à résonner.

A Ségou, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta rend hommage et décore à titre posthume 15 des 17 soldats tués lors d’une attaque djihadiste le 19 juillet 2016. | AFP

Ibrahim Boubacar Keïta s’est aussi rendu à l’hôpital de la ville pour rencontrer les blessés. Une visite à huis clos. Impossible d’accéder au centre hospitalier.

Du côté des militaires présents à la cérémonie, on avoue sans détour « que c’est une claque, une humiliation. Une défaite logistique. On n’était pas préparés. » Certains osent même dire que cette communication ultra contrôlée est là pour éviter « les polémiques ».

Le président, lui, n’était pas là pour s’étendre sur les circonstances, mais pour « porter le deuil de nos enfants dans la fleur de l’âge ».

« Attaque parfaitement coordonnée »

Eviter les polémiques en rappelant qu’une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances de ce chaos. Et comprendre comment une quarantaine de djihadistes présumés ont-ils pu à la fois attaquer des points de contrôle de l’armée et le camp principal, mettant en déroute plusieurs centaines de soldats maliens ? Selon les estimations, entre 200 et 300 militaires sont basés à Nampala. Le ministère de la défense a évoqué une attaque « terroriste parfaitement coordonnée ». Au moins deux groupes ont revendiqué l’assaut, Ansar Dine, par l’entremise de sa katiba (unité) du Macina, et un mouvement armé de défense de l’identité peule. Ce genre d’alliance tacite démontre la porosité qui existe entre les groupes djihadistes.

Dans un bref discours, le chef de l’Etat a tenu à rappeler l’unité qui « devait prévaloir » à l’occasion de ce genre d’événements, tout en faisant un appel du pied à la communauté internationale : « Il nous faut plus de moyens. » Un argument sur lequel rebondit Yacouba Traoré, député de Ségou : « Face à ce genre d’ennemi, face aux djihadistes, ce sont des capacités aériennes qu’il nous faut. Pour mettre en déroute ces bandits. »

Pas sûr que des moyens supplémentaires auraient changé grand-chose tant l’attaque a été rapide. Les assaillants sont repartis avec plusieurs pick-up et des véhicules de transport de troupes, avant d’incendier le camp. Et, trois jours après le drame, les versions divergent encore. L’armée assure avoir repris le contrôle de Nampala, tandis que le maire a affirmé dans un entretien à Jeune Afrique qu’aucun militaire n’était en poste dans sa ville.

*Le prénom a été changé