Un immeuble brestois construit dans les années 1950. | ADEUPa de Brest / ADEUPa de Brest

Kergrenn, lieu-dit à l’extrémité nord de l’agglomération brestoise. Jean-Louis Colin accueille la journaliste du Monde avec un large sourire dans la cour de sa maison, heureux de pouvoir à nouveau recevoir chez lui. Avec sa femme Noëlle, après bien des hésitations, cet agriculteur à la retraite s’est lancé dans des travaux de rénovation. « Avant, on n’osait plus inviter personne. Maintenant, il fait bien meilleur et c’est clair », explique-t-il.

Les fenêtres, hier calfeutrées avec des planches de bois et du tissu, sont pimpantes. Les combles comme les plafonds intérieurs ont été isolés pour éviter la déperdition de chaleur d’un étage à l’autre, et avec l’extérieur. Un ballon d’eau chaude électrique a remplacé le vieux chauffe-bain au gaz en bouteille. Et le réchaud à gaz a laissé sa place à un vrai poêle à bois. Ces travaux ont pris deux ans, le temps que tous les financements se débloquent, mais le résultat est là : « Cela change la vie ! »

A l’occasion du premier anniversaire du vote de la loi de transition énergétique, vendredi 22 juillet, François Hollande, insistant sur l’importance de l’isolation thermique dans le regain d’activité du bâtiment, s’est félicité que 60 000 entreprises labellisées puissent être « garantes de travaux respectueux de l’environnement ». Au-delà de l’expertise accrue des prestataires, le chantier de la rénovation énergétique des logements, freiné par sa complexité technique, fiscale et financière, ne prendra pleinement son envol qu’avec un solide accompagnement des ménages.

La collectivité de Brest Métropole a fait de cette ambition un levier de son Plan énergie climat. Et pour cause : construit dans les années 1950-1970, donc avant les premières réglementations thermiques, ce parc est très énergivore. Soucieuse d’optimiser les projets individuels et d’étendre au plus grand nombre la dynamique de la rénovation, l’agglomération a mis en place un guichet unique, Tinergie.

Mis en œuvre par Ener’gence, l’agence de la maîtrise de l’énergie de la métropole brestoise, Tinergie accompagne de bout en bout les propriétaires : du bilan énergétique assuré par des diagnostiqueurs référencés à la réalisation des travaux, en passant par le plan financier et de subventions, ainsi que la mise en relation avec des professionnels certifiés RGE (Reconnu Grenelle de l’environnement).

Jusqu’à 5000 euros de subvention
de Brest Métropole

Chaque propriétaire bénéficie d’un suivi adapté à sa situation et ses ressources. Les ménages modestes, éligibles aux aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), sont orientés vers l’association Soliha (Solidaires pour l’habitat), chargée du programme « Habiter mieux » sur le territoire. Le suivi des ménages plus aisés est assuré par Ener’gence. Et depuis janvier, les copropriétaires se voient offrir un accompagnement spécifique par la Sempi (Société d’économie mixte de portage immobilier).

Dès lors que son projet génère un gain énergétique d’au moins 25 %, tout propriétaire accompagné bénéficie d’une subvention de la métropole. Modulable en fonction de la teneur des travaux mais aussi de la performance atteinte, elle peut s’élever jusqu’à 5 000 euros.

Depuis 2012, ce sont 817 projets de rénovation énergétique – dont 240 sur la seule année 2015 – qui ont ainsi été accompagnés et soutenus par l’agglomération : 608 projets concernaient des ménages modestes, éligibles aux aides de l’Anah, et 209 des foyers plus aisés. De 16 300 euros pour ces derniers, le coût moyen des travaux s’établit pour les propriétaires modestes à 9 500 euros, les aides de l’Anah pouvant couvrir jusqu’à 80 % de leur dépense.

Les ménages modestes « ne se manifesteront
jamais d’eux-mêmes »

Pour atteindre cette population modeste souvent en situation de précarité énergétique, Tinergie déploie un service local d’information sur la maîtrise de l’énergie, ou Slime. « Un outil de “haute couture” destiné à lutter contre la précarité énergétique », explique Gladys Douilly, la directrice d’Ener’gence. L’idée consiste à mobiliser les « donneurs d’alertes » (élus, associations caritatives, travailleurs sociaux…) pour repérer et aller vers ces nombreux ménages modestes qui « ne se manifesteront jamais d’eux-mêmes », souligne Cécile Cloarec, chargée de mission sur la précarité énergétique : « Beaucoup ne savent même pas qu’ils peuvent bénéficier de tarifs sociaux. Alors, penser à faire des travaux de rénovation de leur logement, ils en sont à dix mille lieues. »

Une fois un foyer repéré, une visite de son domicile est organisée. « Je prends le temps de bien cerner la situation des personnes, professionnelle, familiale, de santé. Et je visite le logement pièce par pièce en me faisant expliquer comment vit la famille dans chacune d’elles. Bien resituer le contexte est essentiel, car derrière la précarité énergétique se cachent bien d’autres précarités qui en sont à l’origine », insiste Cécile Cloarec, qui profite de cette première visite pour donner des conseils de gestes respectueux de l’environnement, voire procéder à quelques ajustements comme changer un joint sur une fenêtre, installer un mousseur hydro-économe sur une pomme de douche...

« Réaliser un diagnostic n’engage à rien »

Puis, si le ménage est propriétaire, vient la question des travaux. Certains répondent du tac au tac : « Des travaux, pas question ! » « Cela leur fait peur, de ne pas pouvoir payer, ou que ce soit long et compliqué », souligne Cécile Cloarec. Lorsqu’elle sent que la porte n’est pas complètement fermée, elle propose au ménage de réfléchir « en insistant sur le fait que réaliser un diagnostic énergétique ne les engage à rien ».

Au besoin, elle va jusqu’à mettre elle-même les personnes en contact avec le conseiller de Soliha qui prendra le relais et les suivra dans leurs démarches. Un accompagnement étape par étape jusqu’à la fin des travaux, qui, insiste Sébastien Cariou, un des référents de Soliha, « permet de sécuriser les personnes et les amène à faire de ces travaux leur projet. Et ainsi d’aller jusqu’au bout ».