L’une et l’autre expositions présentent des pièces de votre première collection. En quoi se distinguent-elles ?

Au MuCEM, j’expose huit silhouettes. A chacune d’elles correspond une vidéo qui évoque mes inspirations : un ballet de Pina Bausch, une chanson de Madonna… Je voulais inclure au projet une dimension pédagogique, expliquer la différence, assez floue pour le grand public, entre prêt-à-porter et haute couture. Ce n’est pas le style qui les distingue, mais le mode de production : le premier est industriel ; le second, artisanal.

La saison automne-hiver 2015 d’Aouadi Paris était « marquée par l’empreinte de l’artiste Pierre Soulages, à qui le créateur a souhaité rendre hommage à travers un travail sur le noir et le ton sur ton », selon le MuCEM. | Bertrand Langlois/AFP

Dans l’exposition du Musée de la mode, dans le parc Borély, on retrouve d’autres pièces de cette même collection, mais aussi des tenues que j’ai composées, comme un styliste, en piochant dans les archives du musée, des créations signées Azzedine Alaïa, Christian Dior, Paco Rabanne…

A qui s’adresse la haute couture ?

Elle intéresse une nouvelle génération de clientes qui souhaitent des vêtements exclusifs, plus spécifiques que ceux proposés par le prêt-à-porter de luxe. Avant d’être une affaire de moyens, c’est une question de culture. Cette clientèle accepte de procéder à plusieurs essayages et d’attendre six à huit semaines avant d’être livrée – tout le monde n’est pas prêt à cela.

Le titre de l’expo, « 13’015 », se réfère au 15e arrondissement de Marseille, dans les quartiers Nord, où a grandi le couturier. | Gregory Harris

La haute couture demande un temps incompressible, incompatible avec l’instantanéité du prêt-à-porter. Aujourd’hui, la surabondance de vêtements laisse supposer que tout peut se faire en un claquement de doigts. Ce malentendu est amplifié par le « see now, buy now » : on peut désormais trouver les pièces en boutique le jour même du défilé.

Le milieu de la mode est-il aussi fermé qu’on le dit ?

Honnêtement, je ne l’ai jamais perçu comme tel. Pour moi, tout s’est passé assez naturellement. A 26 ans, j’ai quitté Marseille pour étudier au Studio Berçot, à Paris, puis j’ai été engagé chez Balmain pour la réalisation des pièces d’exception des collections de prêt-à-porter. Quand j’ai lancé ma maison, je suis spontanément allé voir les métiers d’art, le plumassier Lemarié et le brodeur Lesage notamment, et ils m’ont aidé. Très vite, la Chambre syndicale de la haute couture m’a invité dans son calendrier officiel, ce qui m’a permis de gagner en crédibilité.

Comment faites-vous face aux contraintes financières ?

Après mon premier défilé, j’ai reçu quatre commandes pour des robes. Idem pour la deuxième collection. Je prends des risques énormes, car la marque est autofinancée. C’est la passion du vêtement qui me fait tenir. Je ne déclinerai pas mon univers dans un parfum ou dans des collections enfants… Je préfère rester élitiste, à l’image du développement maîtrisé d’Azzedine Alaïa.

Présentation de l’installation « 13’015 Aouadi »

YACINE TEASER 13 015
Durée : 01:11
Images : Maison méditerranéenne des métiers de la mode (MMMM).

« 13’015 Aouadi », au MuCEM et au Musée des arts décoratifs et de la mode de Marseille. Jusqu’au 29 août 2016. www.mucem.org et www.aouadi.paris

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