Le candidat républicain, Donald Trump, pendant un meeting à Toledo, dans l’Ohio, le 27 juillet 2016. | Evan Vucci / AP

L’exposition médiatique dont bénéficie Hillary Clinton à la convention démocrate à Philadelphie (Pennsylvanie) devrait lui conférer un léger gain dans les sondages à paraître ces prochains jours, conformément à la loi du genre. En revanche, il est peu probable que l’événement lui permette de creuser l’écart. Son adversaire républicain, Donald Trump, ne cesse de talonner la candidate démocrate depuis des semaines. Il fait même jeu égal dans les sondages nationaux, et ce, malgré les cassandres médiatiques qui avaient annoncé une convention républicaine minée par ses propres divisions.

Comment le magnat de l’immobilier de luxe parvient-il ainsi à rester dans la course alors que chaque jour, ou presque, le nombre d’électeurs se sentant rejetés par ses propos incendiaires ne cesse d’augmenter selon ces mêmes enquêtes d’opinion ?

Le peu d’attrait de M. Trump auprès des électeurs latinos et noirs est un secret de polichinelle. La liste s’allonge même avec les femmes, les jeunes et les personnes les plus diplômées. Avec ses propos contre les immigrés mexicains (« marchands de drogue » et « violeurs »), le candidat républicain a braqué contre lui un électorat en plein essor (12 % des électeurs, contre 9 % en 2008), que les présidents Bush, père et fils, avaient pourtant tenté de séduire.

M. Trump atteint aujourd’hui chez les hispaniques un taux encore plus faible, dans les sondages, que le candidat Mitt Romney en 2012, qui n’avait rassemblé que 27 % du vote latino. Un score largement en dessous de la barrière des 40 % nécessaires, en théorie, à un candidat républicain pour espérer décrocher certains Etats-clés du sud du pays.

Pour mémoire, en 2008, les électeurs latinos ont voté à une majorité des deux tiers pour le candidat démocrate, Barack Obama. On voit mal comment Hillary Clinton ne pourrait pas obtenir un score au moins identique.

Hommes blancs sans diplômes

La capacité de M. Trump à attirer une partie du vote afro-américain (13,5 % de la population) semble encore plus compromise. D’après un sondage récent NBC/Wall Street Journal, Donald Trump atteint zéro pour cent chez les électeurs afro-américains dans l’Ohio et la Pennsylvanie.

Malgré la critique de certains mouvements de gauche ou plus radicaux, comme les Black Lives Matter, qui reprochent à Barack Obama son inaction en matière de violences policières et à Bill Clinton sa loi sur le crime (1994), qui a « décimé l’Amérique noire », selon eux, Hillary Clinton devrait bénéficier d’un report de voix massif dans les urnes.

A ce jour, Donald Trump n’a donc pas élargi sa base en direction de ce vote des minorités dites « ethniques », qui représente près de 30 % de l’électorat des Etats-Unis. Mais le souhaite-t-il ? A écouter ses derniers discours, il est permis d’en douter. La redoutable réserve électorale du milliardaire est ailleurs : elle se trouve parmi les électeurs blancs sans diplômes universitaire, et, parmi eux, encore plus particulièrement chez les hommes. Cet électorat représente près de la moitié des votants, et le retard d’Hillary Clinton dans cette catégorie y est considérable.

Donald Trump est même crédité de résultats supérieurs à ceux obtenus par Mitt Romney lors des dernières élections en 2012. « Cela est suffisant pour maintenir une course serrée, souligne Nate Cohn, du New York Times. Cela peut être même suffisant pour gagner. »

A ce jour, Donald Trump n’a pas élargi sa base en direction du vote des minorités dites « ethniques ».

Selon une demi-douzaine de sondages réalisés en juillet, Donald Trump domine largement cette catégorie, avec 58 % des intentions de vote, contre 30 % pour son adversaire démocrate. En 2012, Mitt Romney avait obtenu 55 %, contre 37 % pour Barack Obama. Et l’avance de M. Trump semble ne pas faiblir. Au contraire : d’après un sondage CNN paru lundi 25 juillet, il dépasserait Mme Clinton de 3 % au niveau national et mènerait de 66 % contre 29 % parmi les électeurs de la classe ouvrière blanche.

Certes, l’électorat blanc ouvrier se réduit, laissant peu de marge aux républicains. Il n’empêche. D’après plusieurs études, il suffirait à Donald Trump de pousser son avantage de 5 % dans cette catégorie pour envisager une victoire en novembre. Le pari est difficile au vu des scores déjà élevés qu’il enregistre dans cette catégorie, mais il n’est pas impossible.

Ces « white working class » représentaient, en 2012, 44 % des électeurs. Barack Obama avait d’ailleurs réalisé des scores plutôt honnêtes sur ce terrain dans plusieurs régions, excepté dans les Etats du Sud. Le président avait même fait mieux que ses prédécesseurs démocrates sur ce point.

Percée de Mme Clinton en Arizona, en Géorgie et au Texas

Donald Trump n’a eu de cesse d’axer son discours sur ces travailleurs blancs peu qualifiés. Il s’est prononcé contre les traités internationaux. Il entend favoriser le protectionnisme, interdire ou fortement limiter l’immigration. Le candidat a également pris ses libertés avec la doxa républicaine en s’opposant à une réduction de la couverture sociale des travailleurs. Encore mercredi matin, il a affirmé vouloir augmenter le salaire minimum de 7,25 dollars (6,50 euros) à 10 dollars (9 euros) de l’heure.

La règle veut que l’élection présidentielle se joue sur une dizaine de swing states.

La règle veut que l’élection présidentielle se joue sur une dizaine de swing states, ces Etats pivots ou clés qui peuvent alterner d’un scrutin à l’autre entre les deux partis et faire basculer le résultat final. Hillary Clinton semble faire une percée historique en Arizona, en Géorgie et même au Texas, où ses chances de l’emporter sont faibles, mais pas totalement exclues. Surtout, au vu des changements et accélérations démographiques de ces dernières années, elle pourrait remporter assez aisément la Floride, un des Etats-clés les plus importants du pays en raison de la taille de sa population.

Toutefois, la situation est plus difficile pour l’ancienne secrétaire d’Etat dans des Etats traditionnellement ouvriers, comme dans le Midwest et la Rust Belt (la région des grands lacs de Chicago à la côte atlantique). Certains indicateurs pointent un réel danger pour elle dans l’Iowa. En Pennsylvanie, qui vote démocrate depuis 1952, l’équipe d’Hillary Clinton vient de lancer des spots publicitaires, comme si la bataille s’annonçait d’ores et déjà plus difficile que prévu. Elle ne fait que commencer.