À 83 ans, il n’a plus la même verve, la même fougue, sa santé décline mais Etienne Tshisekedi n’a rien perdu de sa popularité. Son retour à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), mercredi 27 juillet, en a été une éclatante démonstration. Revenu de Belgique où il se soignait depuis deux ans, le vieil opposant a été escorté jusqu’à son domicile par des dizaines de milliers de supporters, persuadés que la réapparition du « Sphinx de Limete » sur la scène politique congolaise ouvre la voie au départ du pouvoir du président Joseph Kabila. « Sa présence donne de l’espoir à notre peuple. Avec lui, nous saurons faire comprendre à nos amis de la majorité présidentielle qu’ils doivent quitter le pouvoir pacifiquement » veut croire Augustin Kabuya, l’un des cadres de son parti, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).

Depuis près de 40 ans, Etienne Tshisekedi s’est opposé à tous les maîtres du pays. Mobutu Sese Seko qu’il a servi puis combattu, son tombeur Laurent-Désiré Kabila, puis l’héritier et successeur de ce dernier, Joseph Kabila. Sans jamais arriver à s’asseoir sur le fauteuil présidentiel dont il se considère comme le seul occupant légitime. Plus encore depuis l’élection de 2011, emportée par Joseph Kabila dans la plus totale opacité.

« Glissement » et tensions

Il y a un an, en mai 2015, l’inflexible Tshisekedi avait semblé plier devant les appels du pouvoir. Des négociations secrètes avaient été entamées entre des émissaires de la présidence et ceux de son parti. Alors que ces derniers en étaient à discuter des postes ministériels qu’ils se verraient attribuer à l’issue de ces pourparlers tenus à Venise ou Ibiza, Etienne Tshisekedi avait fait volte-face, mettant subitement un terme à ces discussions. L’icône de l’opposition congolaise est davantage connue pour son impulsivité que pour sens politique.

Depuis, la tension n’a cessé de croître en RDC dans la perspective d’une élection présidentielle prévue en novembre mais dont tous les observateurs prévoient son report à une date inconnue. Ayant échoué à faire modifier la Constitution qui lui interdit de briguer un troisième mandat, Joseph Kabila et son entourage proche s’emploient désormais à faire « glisser », selon l’expression en vigueur en RDC, le calendrier électoral.

La Cour constitutionnelle est venue sans surprise appuyer la stratégie du clan présidentiel, considérant dans un arrêt rendu en mai que le Chef de l’état pourra rester en fonction jusqu’à la prestation de serment de son successeur. Mais cette hypothèse est refusée par une large partie de l’opposition qui promet de multiplier les marches, toujours à hauts risques, pour contraindre le pouvoir d’organiser le scrutin à la date du 27 novembre.

Dialogue

S’il n’a jamais montré la moindre considération pour les autres leaders de l’opposition comme pour les diplomates qui se sont succédé à Kinshasa, ce qui l’a privé de nombreux soutiens et lui a peut-être coûté la victoire en 2011, Etienne Tshisekedi a cependant joué le jeu, le mois dernier à Genval, une banlieue huppée de Bruxelles, du rassemblement avec les autres adversaires du pouvoir en place. Y compris les plus récents comme Moïse Katumbi, condamné très opportunément en juin à trois ans de prison dans une affaire de litige immobilier où l’une des juges vient de dénoncer les pressions qu’elle aurait subies pour rendre inéligible l’ancien gouverneur de la province du Katanga.

Les deux hommes que tout oppose en apparence jouent désormais la même partition : celle du refus du dialogue promu par le pouvoir et qui apparaît pour nombre d’observateurs comme une manœuvre dilatoire de la présidence.

Pourront-ils cependant faire l’économie de cette discussion souhaitée désormais par les principales chancelleries, la très influente église catholique et même des organisations de défense des droits de l’homme ?

« Le pouvoir sait qu’il est en crise de légitimité et il a un réel besoin du dialogue, analyse une source diplomatique. Contrairement à ce qu’il prétend, il n’a plus que cinq jours et demi de réserves de change dans ses caisses, selon des banquiers de la place, et il n’est pas évident que l’Angola et l’Afrique du sud soutiennent jusqu’au bout Joseph Kabila. Du côté de l’opposition, tout le monde a conscience du risque de violences et certains font monter les enchères en raison de la possibilité de formation d’un gouvernement de transition. »

L’alternative à ce dialogue qui pourrait se conclure par un grand marchandage des maroquins ministériels est une confrontation dans la rue. Pour l’heure, personne en RDC n’exclut cette seconde hypothèse.

RDC : Etienne Tshisekedi et Moïse Katumbi reçus au Quai d’Orsay
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