Après deux ans d’absence, l’opposant historique congolais Étienne Tshisekedi est arrivé mercredi à Kinshasa où l’ont accueilli avec ferveur des milliers de ses partisans, dans un climat politique tendu lié aux incertitudes entourant la prochaine élection présidentielle.

Le jet privé le transportant, en provenance de Belgique, a atterri en début d’après-midi à Kinshasa. Vêtu d’un costume sombre, d’une chemise bleu ciel et coiffé de sa légendaire casquette, M. Tshisekedi est finalement descendu de l’avion quarante minutes après l’atterrissage.

Affaibli mais toujours populaire

Accompagné de son épouse, il a été accueilli au pied de l’avion par une dizaine de responsables d’opposition, en présence du chef de la police de Kinshasa et d’agents de la Mission de l’ONU en République démocratique du Congo (Monusco).

L’opposant, âgé de 83 ans, est apparu assez affaibli, et s’est aussitôt engouffré dans une jeep, précédée par des véhicules de police.

M. Tshisekedi avait été évacué de Kinshasa par avion médicalisé le 16 août 2014. Il a ensuite passé deux ans en convalescence en Belgique, l’ancienne puissance coloniale.

L’homme politique est encore très populaire à Kinshasa et dans plusieurs autres villes du pays. Opposant sous la dictature de Mobutu Sese Seko (1965-1997), et sous le régime de son successeur Laurent-Désiré Kabila (le père de l’actuel chef de l’État congolais), M. Tshisekedi était arrivé deuxième de la présidentielle de 2011, dont il avait rejeté les résultats.

Etienne Tshisekedi, à sa sortie de l’avion, le 27 juillet à Kinshasa. | EDUARDO SOTERAS / AFP

Mercredi soir, plus de cinq heures après le retour au pays de M. Tshisekedi, son cortège, balisé par des milliers de ses partisans enthousiastes, a atteint sa résidence, située à une dizaine de kilomètres de l’aéroport.

Et une ambiance électrique régnait dans les rues jouxtant la résidence de l’homme politique accueilli en superstar par ses partisans : des jeunes hommes festoyaient et des femmes dansaient au son d’une musique festive crachée par des baffles disposés sur place, une bougie à lamain.

Finalement, le vieil opposant ne s’est pas adressé aux nombreux militants, mais le secrétaire général de l’UDPS Bruno Mavungu a promis qu’il le ferait dimanche lors d’un meeting de l’opposition, évoquant la fatigue liée au long voyage.

« Le propriétaire est de retour »

« La présidentielle dans le respect du délai constitutionnel », pouvait-on lire sur l’une des banderoles du cortège. En lingala, l’une des langues parlées en RDC, la foule scandait des slogans hostiles au président Joseph Kabila, tels que « Kabila, tu n’es qu’un locataire, le propriétaire est de retour », et « Kabila, sache-le, ton mandat est fini ».

Ce retour intervient dans un climat politique très tendu en RDC, l’opposition soupçonnant le président Kabila de vouloir se maintenir au pouvoir au-delà du 20 décembre, date de la fin de son mandat.

M. Kabila est au pouvoir depuis 2001, et la Constitution lui interdit de briguer un nouveau mandat. Mais un arrêt récent de la Cour constitutionnelle l’a autorisé à rester en fonction si la présidentielle censée avoir lieu cette année n’était pas organisée.

Un grand meeting politique de la majorité est prévu vendredi à Kinshasa. Un meeting de l’opposition, qui devrait être présidé par Étienne Tshisekedi, est également programmé dimanche dans la capitale. M. Tshisekedi ne s’est pour le moment pas déclaré candidat au prochain scrutin présidentiel.

Des supporters de l’opposant historique, Etienne Tshiskedi, à Kinshasa le 27 juillet. | EDUARDO SOTERAS / AFP

« Rassemblement » de l’opposition

Jusqu’ici, l’opposition congolaise n’a jamais réussi à former un front uni contre le régime de M. Kabila.

Mercredi, un autre opposant au président Kabila, Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle et actuellement à l’étranger, a salué dans un tweet le retour de M. Tshisekedi : « Heureux de voir le Pdt #Tshisekedi de retour en #RDC ! ».

Richissime et populaire homme d’affaires, M. Katumbi est passé dans l’opposition en septembre 2015 en même temps qu’il démissionnait de ses fonctions de gouverneur du Katanga, tout en accusant M. Kabila, son ancien allié, de chercher à violer la Constitution pour se maintenir au pouvoir.

M. Katumbi, l’un des principaux artisans du « Rassemblement » avec M. Tshisekedi, a été condamné le 22 juin à trois ans de prison dans une affaire de spoliation immobilière, une condamnation qui le rend inéligible aux élections selon le gouvernement.

Or dans un nouveau rebondissement mercredi, la présidente du tribunal l’ayant jugé a dénoncé dans une lettre des « pressions » du chef des renseignements, de la présidence et des autorités judiciaires afin de « condamner » M. Katumbi et ainsi « obtenir son inéligibilité ».

Cette lettre « n’aura aucun effet sur le jugement rendu contre M. Katumbi », a prévenu le ministre de la communication Lambert Mende.