Convention du Parti démocrate à Philadelphie, le 29 juillet. | SPENCER PLATT / AFP

Editorial du « Monde ». La coïncidence, il faut le reconnaître, est troublante. La diffusion par WikiLeaks, à la veille de la convention démocrate à Philadelphie, de quelque 20 000 courriels siphonnés dans le serveur du Parti démocrate, embarrassants pour la direction du parti et la candidate Hillary Clinton, a éveillé de forts soupçons sur un calcul électoral téléguidé depuis Moscou.

Il n’existe, pour l’instant, aucune preuve de l’intervention du Kremlin dans cette affaire. Les milieux du renseignement américain ont attribué la responsabilité du piratage du serveur du Parti démocrate à deux agences russes, sans établir de lien avec le pouvoir à Moscou. Les responsables démocrates, eux, ne se sont pas privés de le faire, jusqu’au président Obama qui, comme s’il se demandait à qui profite le crime, a relevé que « Donald Trump avait, à de multiples reprises, exprimé son admiration pour Poutine ».

Dans une campagne électorale décidément pas comme les autres, M. Trump lui-même a donné foi à ces accusations en demandant ouvertement à la Russie, mercredi 27 juillet, de trouver et de rendre publics les courriels manquants de Mme Clinton. Le spectacle accablant d’un candidat à la Maison Blanche, investi par l’un des deux grands partis, militant ouvertement pour l’intervention d’une puissance étrangère dans les affaires publiques afin de nuire à son adversaire a provoqué un tel tollé que – une fois n’est pas coutume – M. Trump a ensuite tenté de limiter les dégâts en prétextant qu’il plaisantait.

Le rétropédalage de Trump

Le rétropédalage du candidat républicain ne convainc personne. D’abord parce qu’il y a été davantage poussé par le bénéfice que tirait Mme Clinton de cette gaffe que par l’indignation des élites de la politique étrangère, qu’il méprise profondément. Ensuite parce que Donald Trump n’en est pas à sa première déclaration iconoclaste sur les relations russo-américaines. Il ne cache pas son admiration pour Vladimir Poutine, auquel il attribue des qualités de leader nettement supérieures à celles de Barack Obama. Il remet en question les fondements de l’Alliance occidentale, émettant des doutes sur l’opportunité de défendre un pays membre de l’OTAN en cas d’agression russe et déclarant que la question de la reconnaissance de l’appartenance de la Crimée à la Russie mérite d’être étudiée. Pour mémoire, la Russie a envahi la Crimée en 2014 et l’occupe depuis.

On comprend aisément pourquoi, dans ces conditions, le président russe, dont les relations avec Hillary Clinton sont aussi glaciales qu’avec la chancelière Angela Merkel, privilégie la candidature de Donald Trump. Mais le Parti républicain ferait bien de ramener son candidat à la raison, si c’est encore possible, et de lui rappeler qu’en démocratie les campagnes électorales se mènent à l’intérieur du pays, pas en suscitant l’intervention de régimes étrangers, a fortiori ceux dont le blason démocratique est sérieusement terni.

On aimerait aussi rappeler ce message à Marine Le Pen et au Front national, qui se financent auprès de banques russes proches du Kremlin, ainsi qu’aux divers élus français qui défilent sous les ors du Kremlin avant de s’envoler pour la Crimée, au mépris de la politique de leur gouvernement, comme c’est le cas d’un groupe de onze parlementaires emmené ces jours-ci par Thierry Mariani, du parti Les Républicains de Nicolas Sarkozy. Dans ce domaine, leur souci du respect du droit international semble, malheureusement, à la hauteur de celui de Donald Trump.