Isatu Korom, une très jeune maman, nourrit son bébé au sein dans une maternité de Freetown, la capitale de la Sierra Leone, en avril.  | MARCO LONGARI/AFP

Le lait maternel est d’une importance vitale pour l’enfant, un nouveau-né devrait pouvoir en bénéficier dès la première heure de son existence et connaître sans le moindre délai le contact charnel avec sa mère. Tel est le message que le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) veut faire passer, à l’occasion de la semaine mondiale de l’allaitement qui se tient jusqu’au 7 août.

L’Unicef publie un rapport à partir d’un ensemble d’études réalisées sur les cinq continents, toutes en faveur de la tétée précoce. Elles montrent que près d’un enfant sur deux, soit 77 millions de bébés à travers le monde, n’est pas mis au sein assez rapidement.

Chaque minute compte

Le premier lait ou « colostrum » est très riche en nutriments et en anticorps. Les enfants allaités très rapidement ont de ce fait moins de risques d’être victimes de diarrhées, qui peuvent leur être fatales, et de pathologies respiratoires, en particulier dans les pays en voie de développement.

« Plus la mise au sein est tardive, plus le risque de mortalité augmente lors du premier mois de vie, au moment où l’enfant est le plus vulnérable aux maladies », notent les experts. Chaque minute compte. Le risque de mortalité du nourrisson augmenterait de 41 % lorsque la première tétée est repoussée de deux à vingt-trois heures, de 74 % au-delà de vingt-quatre heures.

Les enjeux sanitaires sont considérables. En 2015, la moitié des enfants qui n’ont pas atteint l’âge de 5 ans sont décédés au cours de leur première année. Un allaitement précoce peut être une « question de vie ou de mort », alertent les experts de l’Unicef.

800 000 vies en jeu

« Si tous les bébés étaient uniquement nourris de lait maternel de leur naissance jusqu’à 6 mois, environ 800 000 vies seraient sauvées chaque année », estime France Beguin, experte en nutrition pour l’Unicef. « Le lait maternel est le premier vaccin des tout-petits. C’est la première et la meilleure façon de les protéger contre les infections et les maladies », rappelle-t-elle.

L’Organisation mondiale de la santé préconise un allaitement exclusif jusqu’aux 6 mois de l’enfant, puis partiel jusqu’à ses 2 ans. L’Unicef insiste pour sa part sur les bienfaits à long terme sur le développement cognitif de l’enfant et même sur ses performances scolaires. Lorganisation préconise cette pratique sans restriction, y compris pour les mères séropositives pour le VIH, tout en donnant au bébé des traitements antirétroviraux.

L’allaitement, qui est inscrit sur la liste des Objectifs de développement durable de l’Organisation des nations unies, s’améliore depuis quinze ans, mais encore trop lentement. En Asie du Sud par exemple, où la tétée précoce est passée de 16 % dans les années 2000 à 45 % en 2015, 21 millions de nourrissons n’en bénéficient toujours pas.

Au niveau mondial, la mise au sein rapide est passée de 32 % dans les années 2000 à 45 % en 2015. Manifestement, des freins nombreux persistent dans les pays développés comme dans ceux en voie de développement.

L’un des points d’achoppement, notent les experts de l’ONU, tient au fait que « l’allaitement n’est pas seulement une affaire de femmes ». Celles-ci devraient recevoir l’aide des gouvernements, des communautés, des proches et des employeurs. Et surtout du personnel soignant, qui ne joue pas toujours son rôle de conseil auprès des jeunes mères.

Thé, beurre et eau sucrée, miel ou lait animal

Le rapport souligne aussi le poids des traditions culturelles et familiales. Dans certaines parties du monde, les coutumes veulent que l’on donne d’abord au nouveau-né de l’eau sucrée, voire du thé, du beurre, du miel, du lait animal…

Il arrive même que le colostrum soit considéré comme dangereux et jeté. Les auteurs regrettent au passage l’offensive des producteurs du lait de substitution, qui tend à transformer la perception de l’alimentation des bébés dans les pays en développement.

L’allaitement est d’ailleurs « une des rares questions de santé publique dont les tendances sont plus positives dans les pays en voie de développement que dans les pays riches », estiment-ils. C’est en Afrique de l’Est et du Sud que la mise au sein est la plus rapide, avec 59 % des bébés allaités dès la première heure contre 55 % pour l’Union européenne. Cependant, le taux le plus faible concerne l’Afrique de l’Ouest et centrale, où près de la moitié des bébés échappent à cette première tétée vitale.