Eric Ciotti, le 19 juillet. | FRANCOIS GUILLOT / AFP

Dans un entretien à Nice-Matin, le député Les Républicains et ancien maire de Nice Eric Ciotti estime que la possibilité de s’inscrire anonymement sur les réseaux sociaux facilite la diffusion de propagande djihadiste. Et il propose de « rendre obligatoire pour les réseaux sociaux la vérification de l’identité de leurs membres ». Une idée pas tout à fait nouvelle, lancée dans le contexte suivant l’attentat de Nice, mais qui est impossible à mettre en place.

Ce qu’il a dit :

« Pour mettre fin à cette impunité qui règne sur Internet, je propose de rendre obligatoire pour les réseaux sociaux la vérification de l’identité de leurs membres. Ainsi si quelqu’un veut ouvrir un compte Twitter, Facebook ou encore Snapchat, il devra au préalable fournir une pièce d’identité au site. Libre à lui ensuite de dialoguer avec un pseudonyme, mais si son comportement était contraire à la loi, les autorités auraient la possibilité de savoir qui se cache derrière ce compte en quelques minutes. »

Pourquoi c’est impossible

Tout d’abord, l’anonymat sur les réseaux sociaux est une notion très relative, en tout cas pour les forces de l’ordre. Sur Twitter, Facebook ou Snapchat, un compte, même ouvert sous un faux nom, comporte de nombreuses informations permettant d’identifier son auteur : l’adresse IP (Internet Protocol) de la machine qu’il utilise pour se connecter, sa géolocalisation, voire son numéro de téléphone, et de nombreuses autres données. Des informations communiquées à la police en cas d’enquête, et qui peuvent largement suffire à identifier une personne publiant des messages sous pseudonyme sur les réseaux sociaux.

Surtout, si la loi française imposait aux réseaux sociaux de demander une pièce d’identité aux utilisateurs français lors de leur inscription, ces derniers ne seraient pas tenus d’appliquer cette mesure dans le monde entier. Il serait alors simple techniquement pour un internaute français de se connecter sur la version allemande ou italienne du réseau social, par le biais d’un réseau privé virtuel par exemple, pour créer un compte sans fournir de pièce d’identité. Pour être efficace, il faudrait ainsi que cette mesure soit appliquée dans tous les pays où les réseaux sociaux ont ouvert une possibilité d’inscription.

Par ailleurs, Facebook décourage déjà assez largement l’utilisation de pseudonymes — les règles internes du réseau social imposent l’utilisation de son « vrai nom », ce qui provoque parfois des problèmes, notamment pour les activistes ou personnes pouvant faire l’objet de persécutions. La situation est différente sur Snapchat et Twitter, où les pseudonymes sont autorisés.

Pourquoi l’idée n’est pas tout à fait nouvelle

En 2015, un député socialiste, Christophe Léonard, avait lui aussi souhaité imposer une vérification poussée de l’identité des nouveaux inscrits sur les réseaux sociaux. Reprenant une idée du Parlement des enfants, il souhaitait imposer cette vérification pour éviter que des mineurs de moins de 13 ans ne puissent s’inscrire sur les réseaux sociaux. L’idée était restée lettre morte.

D’autres pays ont envisagé ce type de mesures. Le seul qui l’ait appliquée, de manière plus limitée que ce que propose M. Ciotti, est la Chine, où la présentation d’une pièce d’identité est obligatoire pour réserver un nom de domaine sur Internet ou pour s’inscrire sur certains sites. Pékin n’a pas cherché à imposer une mesure de ce type aux réseaux sociaux américains, tous bloqués dans le pays.