Bataille d’Alep : comment la rébellion syrienne joue sa survie
Bataille d’Alep : comment la rébellion syrienne joue sa survie
Par Louis Imbert
Les civils subissent depuis cinq jours d’intenses bombardements dans les deux parties de la ville. Comme pour la Russie, engagée en Syrie depuis 2015, reprendre Alep représenterait la plus grande victoire de Bachar Al-Assad depuis le début de la guerre.
Des forces de l’opposition au régime syrien au sud d’ Alep, le 2 août. | THAER MOHAMMED / AFP
Depuis dimanche 31 juillet, des groupes rebelles, islamistes et djihadistes tentent de briser le siège d’Alep, la grande ville rebelle du nord-ouest de la Syrie, coupée en deux et assiégée par les forces du régime. Cet assaut est mené notamment par des forces djihadistes, qui tentent de rejoindre les rebelles installés dans les quartiers est de la ville depuis juillet 2012. Sous les bombardements russes, et face aux contre-attaques des forces loyalistes, ces groupes semblent peiner à tenir le terrain gagné depuis le début de l’offensive.
Une offensive menée par des groupes djihadistes
Une vingtaine de groupes rebelles, soit plusieurs milliers d’hommes, participent aux combats. Ils appartiennent notamment à l’Armée de la conquête, coalition radicale basée dans la région voisine d’Idlib et stationnée à quelques kilomètres d’Alep. La majeure partie sont islamistes, comme le groupe salafiste nationaliste Ahrar Al-Sham, et le Front Fateh Al-Sham, nouveau nom du Front Al-Nosra.
Etouffés par le siège du régime, des habitants et des commandants des principales brigades de l’est d’Alep, affiliées à l’Armée syrienne libre (ASL), s’étaient résolus à appeler à l’aide ce groupe, qui a officiellement rompu jeudi 28 juillet avec l’autorité centrale d’Al-Qaida, pour des raisons plus stratégiques qu’idéologiques. Des brigades affiliées à l’ASL participent également à l’assaut, certaines directement soutenues par les Etats-Unis.
Une ville totalement encerclée
Les forces syriennes loyales au président Bachar Al-Assad, appuyées au sol par des forces iraniennes et des miliciens chiites étrangers, et dans les airs par l’aviation russe, avaient pris le contrôle total, au fil du mois de juillet, de la dernière route d’approvisionnement des quartiers de l’est d’Alep aux mains des rebelles. Cette route dite du Castello reliait la ville à des zones rurales tenues par les rebelles au nord et à la frontière turque. L’armée syrienne et ses alliés ont dans le même temps complété l’encerclement des quartiers orientaux d’Alep. Entre 250 000 et 300 000 civils s’y trouvent aujourd’hui pris au piège, selon les Nations unies.
Les forces loyalistes ont bâti patiemment ce siège depuis octobre 2015, dès le début de l’intervention russe en Syrie. L’aviation russe avait bombardé durant cinq mois les villages rebelles en bordure nord-ouest de la ville, facilitant des assauts terrestres menés par l’armée et par des forces iraniennes et miliciennes renforcées, qui ont subi d’importantes pertes durant les premiers mois de 2016. Depuis avril, l’aviation russe a de plus pilonné les quartiers rebelles du centre d’Alep eux-mêmes, et leurs infrastructures civiles. Trois hôpitaux ont été frappés dans l’est rebelle d’Alep dans la dernière semaine de juillet, selon l’ONG Physicians for Human Rights, et six au total dans la province.
Un enjeu crucial pour le régime comme pour les rebelles
Reprendre la partie insurgée d’Alep représenterait la plus grande victoire de Bachar Al-Assad en cinq ans de guerre, comme pour la Russie, engagée en Syrie depuis septembre 2015. Elle pourrait porter un coup irréversible à l’opposition soutenue par l’Occident, qui se trouverait chassée de tout centre-ville majeur, et marginalisé dans le Nord face aux forces djihadistes. Le siège, tant qu’il dure, peut servir à Damas et à Moscou de moyen de pression dans les négociations internationales, qui pourraient reprendre fin août.
La stratégie des rebelles
Délaissant pour l’heure les zones périphériques et rurales du nord et la route du Castello, les assaillants ont attaqué dès dimanche soir le sud-ouest de la ville, en zone urbaine moins exposée aux bombes russes. Ils cherchent à couper la principale route d’approvisionnement de l’armée syrienne, au sein des quartiers loyalistes, et à y ouvrir leur propre route. Un succès leur permettrait d’enfermer à leur tour les quartiers loyalistes, à l’ouest, y imposant leur propre siège. Cela les placerait en position de négocier un allégement du siège des quartiers rebelles.
Les combattants ont pénétré Alep au sud et à l’ouest d’une hauteur où est située la base d’artillerie de Ramoussa, d’où l’armée bombarde les quartiers rebelles. L’un de ces groupes a pu notamment faire exploser une bombe au fond d’un tunnel dans ce district, selon le site progouvernemental Almasdarnews.
Les rebelles avançaient encore dans le district de Ramoussa, mardi 2 août, malgré ces intenses frappes russes. Ils cherchent à percer un couloir aux mains des loyalistes d’une largeur d’environ 6 kilomètres de large. Ils avaient atteint un point le plus étroit d’environ 1,5 kilomètre de large, selon l’Institute for the study of war. Mais jeudi 4 août, les troupes loyalistes paraissaient avoir repris une part de ces positions.
Les civils pris au piège
Damas applique une stratégie d’assiègement comparable à celle qu’ont connue pendant plus de deux ans les habitants de Homs, avant que les rebelles ne finissent par quitter leurs quartiers affamés et ravagés. Plus d’un million de Syriens vivent aujourd’hui dans une situation de siège, mis en place pour l’essentiel par les troupes loyalistes.
Le gouvernement et son allié russe ont proposé, jeudi 28 juillet, d’ouvrir trois corridors aux habitants pour qu’ils fuient ces quartiers, et un quatrième pour les combattants qui déposeraient les armes. Civils, combattants rebelles, ONG et diplomates occidentaux sont restés sceptiques face à cette offre. Depuis, ces corridors ont peu servi.
Les civils ont subi depuis cinq jours d’intenses bombardements dans les deux parties de la ville, alors que l’artillerie rebelle bombardait les zones gouvernementales, et que la Russie appuyait lourdement des contre-offensives du régime et de ses alliés.
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