JOHANNES EISELE / AFP

Editorial Il en va dans les Jeux olympiques modernes comme dans les Jeux antiques. La cérémonie d’ouverture marque le début d’une trêve. Soudain, l’on enterre tous les griefs répétés depuis des mois – sur le dopage, la corruption, l’impréparation du pays hôte, le coût – pour laisser place à la compétition. Parce que 10 500 athlètes et des milliards de téléspectateurs veulent, l’espace de deux semaines, croire au rêve de l’olympisme. Et tout oublier.

Au moment où le président par intérim du Brésil, Michel Temer, se prépare à déclarer ouverts les trente et unièmes Jeux olympiques de l’ère moderne à Rio de Janeiro, dans le stade de Maracana, l’on peut s’interroger sur ce rêve bien terni.

« Les Jeux seront fantastiques »

D’abord, les Brésiliens n’ont pas la tête aux Jeux, qui se dérouleront du 5 au 21 août, pour la première fois en Amérique latine. La moitié d’entre eux y sont opposés. En 2014, déjà, le pays du futebol avait accueilli à coups de manifestations « sa » Coupe du monde, terminée sur un traumatisme national avec l’élimination en demi-finales face à l’Allemagne (7-1). Deux ans plus tard, à la crise économique et sociale s’est ajoutée la crise politique et morale avec la procédure de destitution engagée contre la présidente élue Dilma Rousseff et les scandales de corruption qui ont atteint jusqu’à l’icône Luis Inacio Lula da Silva, sans doute absent de la cérémonie d’ouverture.

En 2009, c’est lui, le héros de la gauche mondiale, incarnation du monde émergent, qui avait porté avec succès la candidature de Rio à l’organisation des Jeux. Sept ans plus tard, l’euphorie est retombée, l’Etat de Rio a dû se déclarer en faillite pour boucler les travaux nécessaires afin d’accueillir des Jeux estimés à 9 milliards d’euros et dont l’héritage pourrait se transformer en fardeau olympique pour les habitants de Rio.

« Tudo Bem », martèle toutefois l’Allemand Thomas Bach, le président du Comité international olympique (CIO), persuadé que « les Jeux seront fantastiques ». On saluera l’initiative du CIO d’accueillir pour la première fois sous la bannière olympique une délégation de dix athlètes réfugiés afin de profiter de la caisse de résonance planétaire des Jeux pour sensibiliser au sort des millions de migrants.

La litanie de cas de dopage sape un peu plus la crédibilité sportive de Jeux dont il faudra attendre dix ans pour espérer connaître les « vrais » podiums

Mais cette opération ne saurait faire oublier les deux maux qui menacent l’olympisme : le dopage et la corruption. En annonçant avant les Jeux de Rio que 98 athlètes des JO de Pékin 2008 et de Londres 2012, dont 23 médaillés il y a huit ans, venaient d’être contrôlés positifs sur la base de nouvelles analyses, le CIO a voulu faire la démonstration de sa politique de « tolérance zéro » face au dopage. La réalité est que cette litanie de cas sape un peu plus la crédibilité sportive de Jeux dont il faudra attendre dix ans (au-delà, des sanctions ne sont plus possibles) pour espérer connaître les « vrais » podiums.

Surtout, la Russie de Poutine est discréditée depuis les révélations d’un « dopage d’Etat » généralisé à tous les sports entre 2011 et 2015. Mais, en n’excluant pas ce pays des Jeux, le patron du CIO montre que la tolérance zéro s’atténue quand les enjeux géopolitiques deviennent trop puissants. Ajoutons-y les soupçons de corruption sur l’attribution des Jeux, notamment ceux de 2020 à Tokyo : l’olympisme a des maux comparables au football.