Le Conseil d’Etat, le 9 janvier 2014. | THOMAS SAMSON / AFP

Le juge des référés du Conseil d’Etat a décidé vendredi 5 août d’autoriser l’exploitation des données d’un téléphone saisi lors d’une perquisition dans le cadre de l’état d’urgence à Toulon. Cette demande avait dans un premier temps été refusée par le tribunal administratif de cette ville.

C’est la première affaire de ce genre qui remonte jusqu’à la plus haute juridiction administrative en France. Il s’agit d’une application de la loi du 21 juillet 2016 qui prolonge l’état d’urgence et étend les pouvoirs de surveillance électronique de la police après l’attentat de Nice.

  • L’affaire

Le juge des référés de Toulon avait été saisi d’une demande d’autorisation d’exploitation des données du téléphone portable d’un Tunisien en situation irrégulière, saisi lors de la perquisition administrative de son domicile le 28 juillet. Les enquêteurs avaient rapidement consulté le téléphone lors de la perquisition, estimant que les données qu’il contenait nécessitaient d’être analysées en profondeur.

Le Tunisien de Toulon était présenté par le ministère de l’Intérieur comme un « individu radicalisé dont le comportement constitue une menace pour l’ordre et la sécurité » et qui avait « affiché son intention de perpétrer des actes terroristes » et qu’un rapide examen du téléphone avait révélé qu’il contenait des « vidéos salafistes ».

  • Que dit la loi ?

La loi du 21 juillet prévoit que les juges des référés des tribunaux administratifs sont désormais compétents pour autoriser l’exploitation des éléments informatiques saisis lors des perquisitions effectuées dans le cadre de l’état d’urgence.

  • Les précédentes décisions ?

Le 2 août, un juge administratif de Toulon a refusé d’autoriser l’exploitation du portable, estimant que les éléments apportés par l’administration ne suffisaient pas à préciser la menace représentée par l’intéressé.

Ces éléments ont ensuite été étoffés par l’administration, qui a fait appel. Elle a précisé que l’homme était en contact sur les réseaux sociaux avec des personnes se trouvant en Irak et en Syrie, que son frère aurait trouvé la mort en commettant dans cette zone un attentat-suicide.

Il a aussi fait part d’une note blanche selon laquelle le Tunisien aurait été lié avec un Allemand soupçonné d’avoir voulu commettre des attentats dans son pays, visé par un mandat d’arrêt international et qui combattrait en Syrie dans les rangs des djihadistes du groupe Etat islamique.

  • La décision finale du Conseil d’Etat

« Le juge des référés du Conseil d’État, qui a constaté que la procédure de saisie avait été régulièrement menée, a estimé que le téléphone portable saisi était susceptible de contenir des données relatives à une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Il a donc autorisé l’exploitation des données contenues dans le téléphone par l’administration », a indiqué vendredi soir le Conseil dans un communiqué.

Le juge des référés Fabien Raynaud a cependant souligné lors de l’audience la nécessité de trouver un point d’équilibre : les enquêteurs qui souhaitent conformément à la nouvelle version de la loi exploiter les données d’un téléphone ou d’un ordinateur doivent avoir recueilli assez d’éléments probants pour obtenir l’autorisation du juge, mais sans pour autant récupérer l’ensemble des informations sur place, pour que cette autorisation ait encore un sens.