Le soleil se lève sur Rio 2016. | JEWEL SAMAD / AFP

« Rio grande » ? Non, Rio est immense. Voilà ce qu’ont découvert les sportifs, officiels et journalistes qui ne connaissaient pas encore la métropole à côté de laquelle Paris ressemble à une charmante petite bourgade. Exagération due au dépaysement ? Même pas. La cité carioca (1 260 km2) s’étend sur une superficie plus de dix fois supérieure à celle de notre capitale (105). Disons qu’il ne sera pas inutile de prendre un peu de lecture lors des déplacements entre les sites olympiques disséminés aux quatre coins de la ville.

Le parque olimpico – qui regroupe les épreuves de natation, basket, handball, tennis, ou encore de judo – se trouve à 35 km du centre-ville. Un peu comme si Paris décidait, lors des Jeux qu’il espère organiser dans huit ans, de placer la majeure partie des événements à Cergy-Pontoise (dont nous saluons les habitants). Même à l’intérieur du Club France, QG des Bleus pendant le tournoi (cf. infra), les distances ont marqué les esprits, au moins celui de Bernard Bourreau, sélectionneur de l’équipe masculine de cyclisme sur route, qu’on a entendu s’exclamer : « Putain, tout à l’heure j’avais envie de pisser, faut pas être pressé, c’est super loin ! »

Cela dit, personne n’osera se plaindre d’avoir atterri dans la Cidade maravilhosa, qui nous a déjà offert son lot d’agréables surprises. La plus jouissive, sans conteste, pour la rédaction de Rio ne répond plus : les prises femelles brésiliennes accueillent volontiers les prises mâles françaises. Alors tant pis pour la dizaine d’adaptateurs achetés en catastrophe à l’aéroport, le courant est tout de suite passé.

L’incontournable crocodile. | Le Monde / HS

Autre belle surprise : le sympathique Club France susmentionné, petit morceau d’Hexagone où l’on déguste une galette-saucisse meilleure qu’à Rennes, situé au bord de l’époustouflante lagune Rodrigo de Freitas, dans les locaux de la Sociedad Hipica Brasiliera. Pour comprendre que Rio accueille de façon imminente une compétition sportive d’une certaine ampleur, il faut, pour les journalistes français, se rendre dans ce centre équestre archi-huppé loué à prix d’or, où l’on voit moins les chevaux qu’un énorme crocodile – le stand Lacoste, devant lequel les athlètes français doivent impérativement poser –, quantité de chiens errant en quête de bons mots – nous –, et quelques proies qui défilent dans une grande halle à la superbe toiture en tuiles.

La réaction de Tony Parker quand un journaliste lui a demandé si les basketteurs français allaient décrocher une médaille. | JEFF PACHOUD / AFP

Selon les délégations, l’affluence est plus ou moins grande. Pour la fine fleur du tir à l’arc tricolore, le maître de cérémonie suggère dans un premier temps d’« attendre les journalistes » pour commencer la présentation, avant qu’une personne bien renseignée lui suggère que non, on peut y aller, ils sont déjà tous là. La meute est bien plus grande pour les basketteurs, occupés pour certains à délivrer quantité de banalités sur leur fin de carrière internationale imminente (Tony Parker), à faire admirer leurs talents de chasseurs de Pokémon pour d’autres (Rudy Gobert). Le pivot géant ignore encore à ce moment-là que, une heure plus tard, Pokémon Go sera lancé au Brésil, un événement majeur susceptible de faire basculer l’ambiance jusqu’ici bon enfant du village olympique.

Tous les convives du Club France n’ont pas l’air de posséder la dernière application en vogue sur leur téléphone intelligent : « Il est temps que ça commence, parce que là, franchement, on se fait un peu chier », confie, avec ce sens de la formule propre aux grands dirigeants, Bernard Lapasset, coprésident du comité de candidature de Paris 2024, à Jérôme Fernandez, capitaine retraité de l’équipe de France de handball. Ce dernier, qui commentera les matchs de ses anciens partenaires pour France Télévisions, a assisté, un peu plus tôt dans la journée, à leur conférence de presse.

Au loin, là-bas, le 21 août, une troisième couronne olympique. | DAMIEN MEYER / AFP

Il a donc pu voir le sélectionneur Claude Onesta monter à la tribune et tâter le pupitre en bois devant lui : « Je viens vérifier que c’est bien solide. » Clin d’œil à la destruction par « les Experts » du plateau de L’Equipe 21 au Club France de Londres, il y a quatre ans, dans l’euphorie de la victoire. Autre onestade remarquable, ce tacle à voix haute à l’adresse du joueur Kentin Mahé, qui déambulait avec un appareil photo à la main : « Tu vas vite ranger ça avant que ça finisse par m’agacer. Si tu es venu pour faire des photos, tu vas aller en face avec eux » (c’est-à-dire nous). Quelques heures plus tard, les handballeuses débarquaient à leur tour, téléphone à la main, pour prendre mille photos de tout, sans que leur sélectionneur Olivier Krumbholz ne semble s’en émouvoir.

Les handballeuses photographient le panneau où figurent les noms des 394 sportifs de la délégation tricolore. | Le Monde / HS

Magie des Jeux, des discussions s’engagent sur la capacité des chevaux du saut d’obstacles à supporter le décalage horaire ; l’entraîneur du water-polo s’émerveille d’avoir trois micros face à lui pour la première fois de sa vie ; et Anthony Terras, visage glorieux du skeet (le tir sur plateau d’argile) français et médaillé de bronze à Pékin en 2008, ressort enfin de l’ombre dans laquelle il est injustement plongé lorsque les lumières olympiques sont éteintes.

Au chapitre des découvertes et rencontres ayant marqué les derniers instants pré-JO, nous aurons également noté :

• les géants de l’équipe de basket chinoise – Zhou Qi ou Li Muhao (2,18 m) – et une petite judoka mexicaine – Edna Carrillo, catégorie des moins de 68 kg –, en transit à l’aéroport de Sao Paulo, drôle de carambolage rappelant que l’olympisme rassemble toute la Terre et tous les formats ;

• Christophe Bouchet, ancien patron de l’OM et adjoint au maire de Tours, attablé au restaurant du centre de presse du parc olympique, rappelant que l’olympisme rassemble toute la Terre et tous les formats ;

• Le seul Ronaldo qui vaille ;

Le Monde / Yann Bouchez

• des places réservées aux êtres humains de forme ronde à l’intérieur de la piscine des Jeux, deux fois plus larges qu’une place normale, rappelant que l’olympisme rassemble tous les formats (et il ne s’agit pas de sièges pour femmes enceintes, lesquelles sont représentées par un autre pictogramme) ;

• le bâtiment le plus stylé du parc olympique, qui n’est ni la jolie piscine, ni les étonnantes Cariocas Arenas 1, 2 et 3, ni le stade de tennis, ni l’inévitable McDonald’s, mais le bâtiment de la chaîne brésilienne SporTV, hommage à Frank Lloyd Wright ;

• Des militaires un peu partout.

• Et Bruno, le bénévole le plus cool d’Amérique du Sud, qui vous souhaite, tout comme la rédaction de Rio ne répond plus, d’excellents Jeux olympiques sur Le Monde.fr.

ROBERTO SCHMIDT / AFP