Bloomberg

Enfin ! Après de longues et tumultueuses fiançailles, suivies d’une première année de mariage passablement éprouvante, le nouvel ensemble LafargeHolcim émerge des difficultés. C’est ce que montrent les résultats du deuxième trimestre, bien meilleurs que prévu, publiés vendredi 5 août par le nouveau numéro un mondial du ciment, un colosse de 100 000 personnes né de l’acquisition du français Lafarge par son concurrent suisse Holcim.

« Ce trimestre marque un point d’inflexion, affirme Eric Olsen, le manageur américain de LafargeHolcim, qui a pris les rênes du groupe. Les chiffres prouvent désormais la valeur de la fusion. »

La pertinence de cette énorme opération restait jusqu’à présent à démontrer.

Principal témoin du retournement : le résultat brut d’exploitation retraité, l’indicateur le plus surveillé par les investisseurs. Depuis un an, ce bénéfice ne cessait de baisser, de plus en plus dangereusement à chaque trimestre. Il s’est, au contraire, amélioré de 6 % au deuxième trimestre, sur une base comparable, grâce aux efforts pour comprimer les coûts et tenir les prix.

Retard pris sur les rivaux

Cela rend plus crédible l’objectif de hausse de 7 % à 10 % fixé pour l’année, dont les analystes commençaient à douter. « Que ce soit en termes d’économies ou de profits, les objectifs que nous avons annoncés seront tenus », promet M. Olsen. Pour l’ensemble du premier semestre, le bénéfice net a plus que triplé, à 452 millions de francs suisses (417 millions d’euros), malgré un tassement des ventes.

Un redressement salué par les investisseurs. Vendredi matin, l’action LafargeHolcim a grimpé de 5 % en Suisse. Cela porte à 44 % la remontée depuis le point bas touché début février. Le groupe helvétique commence à rattraper le retard pris sur ses rivaux. Il demeure cependant loin du compte. Depuis l’annonce de la fusion en avril 2014, les interrogations sur ce rapprochement avaient fait reculer de 35 % le titre Holcim devenu LafargeHolcim. L’allemand HeidelbergCement avait vu sa valeur boursière augmenter au contraire de 16 % dans le même temps, et celle de l’irlandais CRH (Cement Roadstone Holdings) s’était accrue de 29 %.

Programme de cessions

« La période où tout allait mal est sans doute finie », veut croire un analyste parisien. L’année qui a suivi la fusion a effectivement été rude. A peine propulsé à la tête du groupe pour remplacer un Bruno Lafont écarté par les actionnaires suisses, M. Olsen a dû gérer toute une série de turbulences. Celles, classiques, provoquées par la mise en place d’un nouvel organigramme, le départ d’environ 1 600 personnes, les chaises musicales au sein de la direction, la cession de plusieurs grosses filiales, la fermeture d’usines. Mais aussi celles, moins prévisibles, liées à la conjoncture. La chute des cours des matières premières, pétrole en tête, a affaibli les pays émergents, dans lesquels le nouvel ensemble réalise 65 % de son activité. Ce ralentissement s’est traduit par une guerre des prix du ciment, accentuée par l’offensive de nouveaux venus sur certains marchés, notamment d’industriels chinois en Afrique.

A présent, cette dégradation du marché semble à peu près stoppée.

« Nous avons réussi à relever nos prix de 1 % au premier trimestre, de 2 % depuis, et cela va continuer », se réjouit M. Olsen.

Résultat, « les perspectives de croissance s’améliorent », confirment les analystes d’Exane BNP Paribas. Le principal souci du moment reste le Nigeria, où les usines du groupe souffrent des pénuries de gaz, à la suite des attaques visant les gazoducs.

« Les perspectives de croissance s’améliorent »

Quant à la phase de fusion et d’intégration des équipes, « elle s’achève », assure le directeur général, qui a annoncé, vendredi, un dernier remaniement du comité exécutif. Le nouveau roi du ciment a mené tambour battant un programme de cessions spectaculaire. D’emblée, le groupe avait négocié la vente à CRH d’un ensemble de 700 sites, pour 6,5 milliards d’euros – une facture que l’industriel irlandais cherche à revoir à la baisse. Depuis, M. Olsen a cédé de nombreuses autres cimenteries : environ 40 % de ce que possédait le groupe en Chine, toute l’ex-filiale indienne de Lafarge, des actifs au Sri Lanka, en Arabie saoudite, au Maroc et en Corée du Sud. Ou encore, jeudi 4 août, l’usine et les quatre stations de broyage que LafargeHolcim détenait au Vietnam.

Faire fondre la dette

Au total, le groupe a d’ores et déjà signé, en sept mois, la vente d’actifs d’une valeur de 3,5 milliards de francs suisses, soit ce qu’il visait pour l’ensemble de l’année. Et ce n’est pas fini : M. Olsen entend céder de nouvelles installations d’ici à la fin de 2017, et récupérer 1,5 milliard de francs suisses de plus.

Les premiers désinvestissements, notamment en Inde, visaient à rendre la fusion acceptable aux yeux des autorités chargées du respect de la concurrence, en évitant la constitution de positions dominantes. A présent, l’objectif est autre. Il s’agit, bien sûr, de faire fondre la dette, cette montagne héritée largement de Lafarge. De 23,9 milliards de francs suisses, la dette nette a déjà été ramenée à 18,1 milliards. Elle devrait tomber à 13 milliards en fin d’année.

Cependant, les cessions ont aussi un sens industriel.

« Nous avons passé en revue les 90 pays où nous sommes, et certains ne sont pas essentiels pour demain », explique le directeur général.
« Olsen veut recentrer le groupe sur les marchés où il est leader et peut donner le la en matière de prix, affirme un analyste. La Chine, qui représente la moitié du marché mondial, faisait rêver Lafarge. Mais les marges y sont faibles et le groupe y restait un nain. Il n’est pas illogique d’en sortir. »

Pour l’heure, LafargeHolcim y reste présent au travers d’une société cotée qu’il contrôle à 42 %. Sans se prononcer sur sa possible vente, M. Olsen a prévenu qu’il ne comptait plus investir en Chine.