Recep Tayyip Erdogan à Istanbul, le 6 août. | LAURENT VAN DER STOCKT POUR LE MONDE

Dans son premier entretien à la presse occidentale depuis la tentative de putsch qui a ébranlé la Turquie le 15 juillet, accordé au Monde à la veille du rassemblement monstre qui a eu lieu à Yenikapi en son soutien, le président Recep Tayyip Erdogan répond avec virulence aux critiques des Occidentaux sur l’ampleur des purges post-coup d’Etat. Il reproche à ses partenaires, européens comme américains, leur manque d’« empathie » et de soutien et regrette que personne ne soit venu lui témoigner sa solidarité.

Alors qu’il refuse d’écarter l’éventualité d’un retour de la peine de mort, qui marquerait la fin du processus d’adhésion à l’Union européenne, le dirigeant turc reproche aux Européens de ne pas avoir tenu leur promesse de libéraliser les visas pour ses citoyens. Malgré sa réconciliation avec la Russie, scellée par une rencontre prévue mardi 9 août avec Vladimir Poutine à Saint-Pétersbourg, M. Erdogan continue de réclamer le départ de Bachar Al-Assad, allié de Moscou. Il reproche également aux Occidentaux de s’appuyer sur les forces kurdes de Syrie pour combattre l’organisation Etat islamique (EI).

Extraits de l’entretien :

  • Sur les Occidentaux

« Le monde occidental a été en contradiction avec les valeurs qu’il défend. Il doit être solidaire de la Turquie, qui s’est approprié ses valeurs démocratiques. Malheureusement, il a préféré laisser les Turcs seuls. Les Occidentaux ne devraient pas se soucier du nombre de personnes arrêtées ou limogées. »

  • Sur l’Union européenne

« Cela fait cinquante-trois ans que nous sommes aux portes de l’Europe. L’UE est la seule responsable et coupable. Personne d’autre que la Turquie n’a été traité de cette manière (…). L’Union européenne ne se comporte pas de façon sincère avec la Turquie. Nous accueillons actuellement 3 millions de réfugiés alors que la seule préoccupation de l’UE est qu’ils n’arrivent pas sur son territoire (…). Si nos demandes ne sont pas satisfaites, les réadmissions ne seront plus possibles. »

  • Sur la Syrie

« 600 000 personnes ont été tuées jusqu’à présent en Syrie. Qui en est le responsable ? Assad. Le responsable de la mort de 600 000 de ses citoyens ne devrait pas bénéficier de notre soutien. Pourtant, certains le soutiennent. Si nous croyons en la démocratie, nous ne devons pas jouer à ce jeu. Nous devons aller vers autre chose. (…) On nous dit que si Assad s’en va, on aura Daech. Rien de tel n’aura lieu. »

  • Sur la peine de mort

« En ce qui concerne la peine de mort, je pense que si une personne a été tuée, seule sa famille peut décider du sort des coupables. Si sa famille décide d’amnistier, elle peut le faire ; mais nous, en tant qu’Etat, nous ne le pouvons pas. Bien sûr le pouvoir judiciaire le peut, mais si des millions de personnes dans tout le pays demandent la peine de mort, cette requête sera prise en considération par le Parlement, qui décidera s’il faut la réinstaurer. »