Saeed Marouf (à droite) avec son coéquipier Seyed Mohammad Mousavi lors d’un match contre les Etats-Unis, le 21 juin 2015, à Téhéran. | BEHROUZ MEHRI / AFP

« Une légende qui ne se répétera pas », « Celui qui a les mains en or », « La superstar de l’univers sportif en Iran ». Pour la presse iranienne, aucun mot n’est trop exagéré ni trop extrême pour qualifier Saeed Marouf Lakrani, le très populaire capitaine de l’équipe nationale de volley-ball. A en croire les médias du pays, si pour la première fois de l’histoire de l’Iran les volleyeurs ont pu valider leur billet pour les Jeux olympiques de Rio, c’est avant tout grâce à « l’intelligence » et à « l’audace » du passeur de 30 ans.

Contrairement au football, le volley-ball a longtemps été ignoré par le public iranien. Mais, depuis quelque temps, les différentes compétitions, aussi bien en Iran qu’à l’étranger, sont suivies de près par la population. Pour sentir ce soudain intérêt pour la discipline, il suffit de regarder la frénésie que suscite chez les Iraniens Saeed Marouf, membre de l’équipe nationale depuis 2005.

La montée en puissance de l’équipe iranienne, qui entre en lice lundi 8 août contre l’Argentine dans le tournoi olympique, a commencé en 2011, quand le gouvernement a engagé l’entraîneur argentin Julio Velasco, double champion du monde avec l’Italie en 1990 et 1994. Jeunes joueurs et nouveaux assistants, plus compétents et plus professionnels, ont été invités à rejoindre l’équipe nationale. Les entraînements sont devenus plus réguliers, plus efficaces. Cette même année, l’Iran gagne pour la première fois le championnat d’Asie et d’Océanie de volley-ball masculin, même si à l’époque Saeed Marouf ne faisait pas parti de l’équipe. Il y est revenu après quelques mois d’absence pour devenir, en 2014, le meilleur passeur de la Ligue mondiale de volley-ball.

Feintes « mortelles »

Saeed Marouf – dont le patronyme veut dire « célèbre » en persan – est né à Orumiyeh, une ville du nord-ouest de l’Iran, où « la seule voie pour progresser a été de se lancer dans le volley-ball », a-t-il l’habitude de dire.

Le joueur, connu pour ses feintes « mortelles », est très discret et ne parle presque jamais à la presse s’il ne s’agit pas de commenter la performance de son équipe. Et si le journaliste insiste pour connaître davantage sa vie intime, le capitaine de la sélection iranienne ne se laisse pas intimider. Lors d’une interview à la télévision iranienne en septembre 2015, à la question « Quelle est votre voiture ? », Saeed Marouf avait répondu : « Vos questions sont en train de s’élargir [touchant désormais à ma vie intime]. » Le journaliste avait alors relancé : « Vous conduisez une BMW ou une Mercedes-Benz ? Vous aimez en posséder ou pas ? »

Alors qu’en République islamique d’Iran, le discours officiel consiste à rejeter tout symbole du matérialisme et à inviter la population à mener une vie pieuse, la réponse de Saeed Marouf en dit long sur son caractère honnête et sur le fait que l’Iranien n’est pas prêt à faire des concessions ni à faire semblant. « Et vous ? Vous n’aimez pas conduire ce genre de voitures ? Tout le monde aime cela », rétorqua-t-il.

Franc-parler

L’homme à la barbe fournie et aux yeux noirs perçants n’a pas la langue dans sa poche. Son franc-parler et ses mots sans détour ont fait de lui le sportif le plus aimé d’Iran en 2015, ainsi que le porte-parole des revendications de son équipe. L’an passé, à la suite d’une victoire, Saeed Marouf s’en est pris aux responsables gouvernementaux venus féliciter les joueurs dans le vestiaire et leur a demandé s’ils entendaient tenir leurs promesses d’aider les volleyeurs : « Nous connaissons les difficultés économiques du gouvernement, mais nous connaissons plus encore nos problèmes financiers […]. Au moins, mentez-nous pour nous donner l’espoir [de votre soutien] », a-t-il dit alors que les autres essayaient d’apaiser l’ambiance par des blagues gênées. La vidéo de la scène, largement partagée sur le Web, a finalement poussé l’Etat à débourser les primes promises aux joueurs.

Le garçon rebelle suscite la curiosité de toute une population, et surtout celle des femmes – d’autant plus qu’il est célibataire. Voilà pourquoi La Vie idéale, un bimensuel people, a publié en « une » un grand portrait de « la légende » iranienne, en costume, titré « A la recherche d’une femme pour le capitaine Marouf ». Peu importe si les informations sur les plats préférés du joueur, son goût pour la lecture et pour les montres de luxe ou son caractère très fier sont fictives, ce numéro a été vendu jusqu’à son dernier exemplaire.