Samir Aït Saïd lors de sa grave blessure, le 6 août à Rio. | THOMAS COEX / AFP

La voix, déterminée, ferait presque oublier que Samir Aït Saïd s’exprime d’un lit d’hôpital à Rio de Janeiro. Le gymnaste a diffusé une vidéo sur le réseau social Facebook, dimanche 7 août, pour rassurer les nombreux internautes qui lui ont témoigné leur soutien :

« Je pourrai être sur pieds dans pas très longtemps, enfin, “sur pieds”, tout est relatif. […] Je me suis mis quand même dans l’ambiance avec le plâtre bleu-blanc-rouge, allez la France ! Je vais pouvoir retourner à la salle encourager les copains, parce que la compétition n’est pas finie. »

Pour Aït Saïd, si. La veille, le Français a chuté à la réception d’un saut dans les qualifications, alors qu’il pouvait viser une médaille aux anneaux pour la finale par agrès des Jeux olympiques : double fracture ouverte tibia-péroné de la jambe gauche.

La violence du choc a ému le public brésilien, qui l’a applaudi lors de sa sortie sur une civière. En France, même empathie, même haut-le-cœur à la vue de sa blessure : une photo impressionnante, largement relayée sur Internet, montre sa jambe gauche complètement vrillée.

« Je mets souvent les gants »

La mésaventure, une de plus, rappelle que le sportif a toujours eu besoin de lutter. Une blessure grave en 2012, au genou droit cette fois, l’avait déjà privé des Jeux de Londres avant même le début de la compétition.

Du genre battant, sorti sans broncher samedi, sitôt opéré dimanche, Aït Saïd a clamé dès à présent sa volonté d’« aller chercher cet or olympique » lors de la prochaine édition, à Tokyo, en 2020. Le sportif de Champigny-sur-Marne aura alors 30 ans. L’âge de confirmer le potentiel déjà perçu aux championnats du monde 2013 de Moscou, où il avait obtenu le titre.

Lutter, encore et toujours. A quelques heures de la cérémonie d’ouverture au Maracana, le gymnaste expliquait au Monde qu’il en avait l’habitude. Au sens propre, aussi.

« Ce qui est dingue, c’est que j’ai toujours été attiré par les sports de combat. En parallèle de la gym, quand j’en ai l’occasion, pour le plaisir, je mets souvent les gants pour entrer dans la cage et faire du MMA. »

Mixed Martial Arts. Tout sauf une assurance tout risque. Dans un octogone grillagé, la discipline autorise l’usage de tous les sports de combat, et presque tous les coups. L’ancien pensionnaire du pôle France d’Antibes a déjà pratiqué à Paris et à Nice ces « arts martiaux mélangés », très controversés pour leur violence, critiqués par le ministère de la jeunesse et des sports, mais de plus en plus pratiqués.

« La fosse aux crocodiles »

Sportif étonnant, Samir Saït Aïd a aussi travaillé sa souplesse au ju-jitsu brésilien et en boxe thaï. Et assure, dans un sourire, n’avoir jamais reçu de consigne particulière de la part de ses entraîneurs de gymnastique : « Il ne m’est jamais rien arrivé. »

Sports de combat et sport d’agrès, deux disciplines moins éloignées qu’il ne le semble à première vue. Deux mondes où priment la « souplesse » et « la rapidité » : « Quand je combats, vu que j’ai de petits segments [1,67 m], je vais plutôt chercher à projeter mon adversaire et à aller au sol. Un jour, à la fin de ma carrière de gymnaste, pour l’adrénaline, j’aimerais bien faire une compétition de MMA ou de pancrace [un autre sport de combat] ».

Connaisseur, le gymnaste ajoute : « Regardez les grands champions de MMA, faites attention à ce qu’il y a dans leur salle d’entraînement, vous y verrez des anneaux de gym. » Manière de rappeler que tout est lié, pour ce sportif « tombé dans la gym vraiment par hasard », à l’âge de six ans.

A l’époque, son père veut d’abord « absolument le mettre au judo », qu’il pratique aussi. L’enfant choisit donc la gym : « A l’école, je m’amusais avec des anneaux, on devait sauter par-dessus la “fosse aux crocodiles”, et je prenais ça pour de la gym, je voulais juste m’amuser avec mes potes sur les anneaux, le trampoline. »